Pour faire un bon film, il y a un ingrédient absolument essentiel : une histoire avec des enjeux forts et des personnages forts. C'est tout con, mais ça a été toujours comme cela et ce sera toujours comme cela.
Vous voulez un exemple ? Tiens, on va prendre le premier volet de la trilogie Retour vers le futur d'un certain Robert Zemeckis, qui, non content d'être le divertissement le plus nec plus ultra qui soit, se permet d'être aussi un chef-d'oeuvre absolu.
Pour des personnages forts, il faut créer un lien émotionnel. Un jeune homme a une vie de merde. Ses parents sont des blaireaux. Au lycée, ça ne va pas fort. Il tente de se réfugier dans la musique, mais ça ne va pas fort là non plus. Il trouve une raison de vivre que grâce à sa petite amie, Jennifer, et à son meilleur pote, Doc. Lien émotionnel crée avec le spectateur qui s'attache sans mal à lui.
Pour les enjeux forts, on a un retour vers le futur qui doit se faire. Mais est-ce que cela aurait suffi à faire fonctionner l'intérêt de l'ensemble s'il n'y avait eu que cela ? Ben non, on aurait tourné en rond pendant près de 120 minutes avec rien de bien solide. Mais si on ajoute à cela que le protagoniste doit sauver sa peau, en faisant en sorte que ses parents tombent amoureux, celle de son pote, en lui évitant d'être buté par des terroristes libyens, et accessoirement retrouver la femme qu'il aime dans le présent, ben là, on a tout ce qui faut. Et c'est en très grande partie pour cela que Retour vers le futur est un film culte, une merveille. La mise en scène est formidable, n'a pas pris une seule petite ride, les acteurs sont géniaux, mais sans une histoire aussi bonne et des personnages aussi bons, on n'en parlerait plus aujourd'hui.
Oui, cette longue introduction sur un autre film du même cinéaste pour dire indirectement pourquoi Le Pôle Express ne fonctionne pas du tout selon moi.
Il n'y a pas de personnages forts. Le protagoniste est un enfant qui ne croit plus en Noël et... c'est tout. Voilà, on sait qu'il a toujours ses deux parents et une petite sœur et... c'est tout. En rien arrangé par un problème technique sur lequel je vais revenir plus tard, il n'y a pas de lien émotionnel qui se crée. Ouais, mais bon, on n'a pas le temps avec cela... euh, Retour vers le futur prend quelques minutes pour faire cela et c'est une perfection de rythme, sans une seule seconde en trop.
Les enjeux forts sont aux abonnés absents aussi. Un enfant ne croit plus à la magie de Noël, c'est grave si ce n'est plus le cas ? Cela n'a pas l'air de contrarier les parents et plus tard la sœur (d'ailleurs question idiote, pourquoi ils n'ont pas eu le droit au passage du train eux aussi ?). On ne peut pas tenir sur un enjeu aussi mince sur près de 100 minutes. Ah oui, à mi-parcours (pour essayer de relancer avec du vide dans du vide !), il y a l'ajout d'un enjeu qui est qu'un enfant passager du train est sélectionné pour recevoir en premier un cadeau des mains du Père Noël... euh, si le personnage principal ne le reçoit pas en premier, c'est grave, vraiment grave ?
Ouais, mais ce n'est qu'un film pour enfants... euh, non, citez-moi un Disney réussi qui n'ait pas des enjeux et des personnages forts...
En fait, Zemeckis était tellement excité d'utiliser la motion capture pour la première fois qu'il croyait que cela aurait été suffisant pour donner une raison d'être au film. Ne se baser que sur l'aspect technique du truc. Euh, non, même la meilleure des technologies (ce qui n'est pas le cas ici !) ne pourrait pas à elle seule faire l'intérêt d'un film. Et le réalisateur fait trop son "oh, regardez tout ce que l'on peut faire avec cela" lors de très nombreuses séquences, à l'instar du billet de train s'échappant du train pour y revenir ou du ballet des stewards du train. OK, mais qu'est-ce que cela apporte à l'histoire ?
Et la technologie n'est pas grandiose ici en plus. Sur le plan des décors et des paysages, c'est très bien (même si l'aspect neigeux sera bien plus réussi dans Le Drôle de Noël de Scrooge !), mais les visages sont horribles. Pas un poil, pas une tache de rousseur, pas un grain de beauté, avec des cheveux de Playmobil, on a l'impression de poupées de cire qui peuvent fondre à tout instant. Niveau expressivité, rien du tout. Ce qui n'aide pas du tout à l'identification au petit garçon, déjà bien foutue en l'air par la médiocrité du scénario.
Ah oui, et le cabotinage de Tom Hanks, en particulier lorsqu'il joue le vagabond, est franchement difficile à supporter.
Que de bonnes choses. Allez, joyeux Noël quand même...