Film vu au cinéma avec ma licence de LLCER Anglais après l'étude du bouquin...
Sympa, avec un côté très très théâtral probablement dû à l'époque (et au style du réalisateur), le film manque toutefois d'audace dans sa réalisation.
Le seul élément qui sort du lot est le petit groupe de plans du tableau en couleur, plans savamment amenés.
L'acting est plutôt froid, Dorian est dès le départ une statue de cire, ce que je trouve triste par rapport à son côté "jouvence & innocence" du début du livre, où il est d'une froideur angélique, et non pas d'une froideur de marbre.
Lord Henry est très bien représenté selon moi, c'est le personnage le mieux interprété. Basil Hallward fait pâle figure face à lui. Il se contente d'être un peu le "gentil mentor" (ce qu'il est aussi en effet dans le livre) alors qu'il a également une attache très romantique/sexuelle avec Dorian dans le roman.
Sibyl Vane fait un peu pitié, je trouve que la mise en scène de ses scènes ne la met pas du tout en valeur. Alors certes, passer du théâtre au chant pour mieux s'adapter au côté cinéma de l'époque c'est un parti pris, mais je trouve que justement ça fait perdre de sa splendeur au personnage, une comédienne qui dans le livre, émeut Dorian car il imagine chacun de ses personnages comme une amante en un seul corps. Chose absente dans le chant.
SPOILERS DU FILM (oui oui, tout n'est pas pareil que dans le livre) :
L'ajout de la nièce de Basil en tant qu'intérêt romantique dans le film est, selon moi, une bonne idée. Cela vient ajouter une dimension glauque supplémentaire à Dorian qui se perd dans ses cinquante nunces de Gray (lol) alors qu'on touche à une gamine qu'il a littéralement vu grandir. De plus, son ajout rythme l'histoire à partir de la seconde moitié/le dernier tiers du film.
Aussi, autre changemet majeur dans le film (un changement selon moi MEILLEUR ENCORE que le scénario original du livre) : la mort de Dorian. Dans le livre, il est découvert par ses serviteurs en même temps qu'un policier, symbole de la justice/vérité cachée par Dorian, entre par irruption dans la maison après avoir entendu le cri de Dorian. Dans le film, le tout fonctionne mieux, avec un Dorian découvert par les mêmes personnages qui l'ont introduit dans l'histoire : Lord Henry et une Hallward (la nièce ici, non plus Basil). La boucle est bouclée, et en tant que spectateur, on s'identifie beaucoup mieux à l'entourage proche de Dorian, qui l'a vu grandir comme nous, qu'à ses serviteurs.
Pour conclure, le film est une bonne adaptation, et c'est un bon film. Mais il est très loin d'être extraordinaire. Le film ne fait que raconter une histoire, il ne prend pas le temps de dire qu'il EST un film. C'est juste un biais supplémentaire pour retranscrire l'oeuvre d'Oscar Wilde, oeuvre qui lui a coûté cher, car lors de son procès (qu'il a initié lui-même contre la mère de son amant et qui s'est retourné contre lui (mais c'est une autre histoire)), le roman a été utilisé contre lui comme preuve pour dévoiler son homosexualité. Ce côté "pamphlet homosexuel" n'est pas retranscrit dans le film du tout, à cause de l'époque homophobe durant laquelle il est sorti ; mais dès lors, quelle trahison de l'esprit de l'oeuvre s'en est suivie.