Même si c'est le premier à rencontrer le succès, "Le poulpe" est déjà le troisième long-métrage du français Guillaume Nicloux, qui adapte avec bonheur la fameuse collection policière dirigée par Jean-Bernard Pouy, lequel participe d'ailleurs à l'écriture du film.
Le résultat de cette collaboration est un polar noir à la poésie absurde et aux dialogues décalés, souvent hilarants. La première demi-heure, en particulier, est un véritable festival de répliques cultes ("N'importe quoi, lui!"), de contrepèteries ("La cuvette est pleine de bouillon"), d'aphorismes saugrenus ("En enculant des poules, on finit par casser des oeufs") et autres jeux de mots vaseux.
Ces propos loufoques et imagés sont proférés par une populace médiocre de piliers de comptoirs, quand ils ne sont pas tenus par le héros lui-même, alias Gabriel Lecouvreur, détective cynique et désabusé, mais néanmoins très amoureux de sa petite amie bisexuelle, la coiffeuse Chéryl. Contrepoint sexy à cette atmosphère lourde et sombre, le rôle est incarné par la jeune et court-vêtue Clotilde Courau, qui bien avant de devenir princesse de Savoie, forme un couple improbable mais attachant avec un Jean-Pierre Darroussin parfait dans ce personnage.
En parallèle, le film tente de dérouler son intrigue, plutôt lente et laborieuse, mais loin d'être déplaisante, car émaillée de nombreux personnages barrés, vicieux et/ou désespérés, dans une France d'en bas des plus repoussante, que les notables ou politicards ne tirent aucunement vers le haut.
Guillaume Nicloux signe un portrait au vitriol de la province qui s'ennuie et picole ; d'ailleurs l'action se situe dans la localité imaginaire d'Angernaud, car la ville de Saint-Nazaire n'a pas souhaité associer son image au film!
Bien que l'ensemble apparaisse inégal, voire fatigant sur la durée si l'on n'est pas d'humeur, cette enquête du "Poulpe" au cinéma reste une jolie réussite, au point qu'il a été question de tourner une suite, même si le projet semble actuellement au point mort.