Il va sans dire que j'adore la filmographie de Sidney Lumet, outre le nombre de chefs d’œuvres à son actif, j'arrive toujours à trouver des pépites méconnues, comme Le prêteur sur gages, qui n'existe pas en dvd en France.
C'est Rod Steiger, qui est donc prêteur sur gages à New-York, dont on découvre qu'il fut interné dans un camp de concentration en Allemagne durant la guerre, ayant emporté sa famille, et dont le traumatisme dure des décennies plus tard. Au point qu'il a perdu foi en l'humanité, qu'il reste le plus souvent terré dans sa boutique à racheter à vil prix des babioles. Plus rien ne compte pour lui, et on sent cette gêne qu'il a de vivre en quelque sorte. Il a juste comme ami, le terme serait trop fort (Jaime Sanchez), un jeune employé hispanique qui ambitionne d'ouvrir lui aussi une boutique similaire.
Espoir est un mot qui ne semble pas exister dans ce film, tellement cet homme, magnifiquement joué par Rod Steiger, semble dans une profonde dépression. Je dirais que tout est dit dans la première scène où il est à l'écart de sa compagne actuelle, préférant bronzer seul dans son jardin.
Il y a quelque chose de tragique dans cette histoire, parsemé parfois d'humour noir comme ces jeunes qui sont impressionnés par ses chiffres marqués sur son bras et qui sont persuadés qu'il est dans un gang. En lui demandant comment ils peuvent en être, Steiger leur répond qu'il devront tout d'abord marcher sur l'eau.
On est également dans la filmographie de Lumet, et le thème du personnage solitaire qui parcourt son œuvre, car il est en quelque condamné à vivre. Il y a des réminiscences de son passé tragique qui apparaissentt, notamment dans les camps, et le sort tragique réservé à sa femme.
Je trouve ce film vraiment fort, d'un pessimisme terrible, et auquel la musique de Quincy Jones ajoute quelque chose de tragique qui se murmure dans cette histoire. Pour l'anecdote, c'est le premier film qu'a tourné un certain Morgan Freeman, mais pour le retrouver, bon courage, car il ne fut que figurant !
Et,de manière plus historique, c'est une des premières fois où un film est sorti sans qu'il ne soit validé par un comité de censure car on voit durant quelques secondes la poitrine de Thelma Oliver, une jeune femme de couleur noire, jouant la petite amie de Jaime Sanchez), en plus qu'on parle en fond de l'Holocauste par un survivant. Tout cela a fait que le film a été largement méconnu, mais depuis, il a gagné une réputation, et ce n'est que mérité.
Je trouve que c'est vraiment fort, pas forcément à recommander à tout le monde du fait de la noirceur du sujet, mais vraiment osé dans le contexte de l'époque. Et quelle interprétation de Rod Steiger !