Si tu es né dans les 90’s, tu as dû tout comme moi partager les mêmes rêves. Comme celui de sécher les pleurs de Mélissa, vêtu d’un pantalon DDP, en lui offrant des Pog bêbêtes. Ou bien celui de chevaucher un Lugia en buvant un Candy’up entre deux duels de cartes. Ou bien encore celui de rencontrer Mégara et d'lui faire "sauter la sandalette". Et c’est tout à fait normal. Car c’était une putain d’époque pour une animation qui faisait autant fantasmer qu’elle rendait dingue. Disney et les japonais y étaient pour beaucoup. Mais on a tendance à un peu oublier l’arrivée d’un nouveau géant : Dreamworks et son Prince d’Égypte.
Le Prince d’Égypte fait donc suivre Moïse à travers l’Exode. Et si tout petit on retenait le film comme étant une fresque grandiose, dorénavant, moins petit, notre conte hébraïque endurcit notre noël. L’eau douce laisse place au rouge, mais pas comme au réveillon, plutôt comme la première plaie.
Au-delà d’une dualité légendaire dont on ne vante plus les qualités, j’aimerai juste insister sur le travail des images. Chaque plan, chaque action, est riche de symboles, est une mise en abyme ou une allégorie. Je vous propose d’analyser ces deux plans où Pharaon insiste sur le fardeau de la couronne quand Moïse parle de «chance à donner». La statue, droite et immobile, en arrière-plan marque l’inflexibilité des égyptiens et Pharaon détourne le regard face aux propos de son fils adoptif. L’image parle, et est annonciatrice des événements à venir, à l’instar de notre Moïse qui tourne le dos à cette famille surélevée par une estrade dans un décor monumental. La minutie dès les premières minutes.
Au-delà de l’intellectualisation des images, Dreamworks nous fait une promesse : faire rêver. Et cela passe par des prouesses d’animation dont le paroxysme est dans la chanson, que j’ai deviné comme étant ta favorite, «tu joues dans la cour des grands».
Puis n’oublions pas la grandeur des scènes musicales telles que celle des dix plaies d’Égypte portée par la puissance d’Hans Zimmer. C’est d’ailleurs le seul bémol que ça m’inspirera. La confrontation du dernier quart aurait mérité d’être dynamisée par un montage et une musique forte. En effet les dernières plaies se font attendre, la force de persuasion de Moïse tarde et de l’ultime assaut on n’attendra que l’ouverture de la mer rouge en deux.
Miskine les fruits de mer qui n’ont rien demandé.
Si l’animation est réussie, l’écriture n’est pas en reste tant le fond est pertinent. Effectivement le sous-texte des dialogues est toujours juste vis-à-vis du traitement du peuple hébraïque et dans le regard de notre Moïse :
«Ce ne sont que des esclaves» se justifie Pharaon ; «Depuis quand tu te soucies des esclaves ? Depuis que tu es l’un des nôtres !» dit Aaron à Moïse avant que celui-ci rétorque «Je ne voyais pas parce que je ne voulais pas voir».
Les réflexions autour de la condition humaine sont justes, poussent à la tolérance et font rendre comptent des injustices… et cela n’est pas sans rappeler une autre tragédie juive où la passivité fut désastreuse. Et cet hymne au vivre-ensemble et à l’équité est subtil, sans didactisme appuyé !
En définitive je souhaite à tout le monde de revoir Le Prince d’Égypte avec son regard d’adulte. Par contre je ne souhaite à absolument personne d’avoir des pieds égyptiens car, si c’est utile pour faire des angles droits en pleine jungle, c’est d’une laideur qui n’a d’égale que les pieds grecs. Mais ça c’est une autre histoire.