« La prima notte di quiete » (la première nuit de tranquilité, qui chez Goethe correspond à la mort) est le film le plus abouti de Zurlini dans sa démarche nihiliste. Avec « Le samouraï » de Jean-Pierre Melville, Alain Delon, taiseux comme jamais, trouve ici son meilleur rôle, celui d’un homme étranger à son pays, à sa ville, à son entourage et prisonnier à l’intérieur de lui-même par une incapacité empathique totale. Professur qui donne des dissertations en cours, pour pouvoir tranquillement lire son journal et fumer ses cigarettes. Séduit par la beauté d’une de ses étudiante (très belle sonia Petrovna) le film semble s’orienter vers un happy end. Mais la découverte finale des turpitudes des bourgeois de province desquels sa bien aimée était autrefois le plat principal (dissertation demandée en cours : « Pureté et sens du péché chez Manzoni»), coupera tout élan à cet amour impossible en le replaçant vers sa seule issue : le néant. Aidé par son directeur de la photographie Dario Di Palma, Zurlini filme une Rimini hivernale, aussi glaciale que figée dans son impersonalité grisâtre, la forme étant ainsi en adéquation parfaite avec le fond. De plus les images sont habillées par un jazz planant de Mario Nascimbene, soulignant l’aspect ligne de fuite du décorum. Certes le film par instant se perd dans cette unité, sacrifiant l’intensité du récit, mais cette remarque n’atténue en rien le fait qu’il soit un chef d’œuvre et sans doute le testament cinématographique de son auteur. A voir absolument dans sa version de 132 minutes ressortie en 2019.