Je n'ai pas vu Les Combattants, mais j'avais beaucoup aimé l'univers visuel et la réalisation de la mini-série Ad Vitam, aussi c'est un plaisir de découvrir leur filiation avec Le Règne animal, dont l'univers et la réalisation est également enthousiasmant. Le film suit le parcours de François et Émile, un duo père-fils en délitement suite à la mutation animalière de la mère. Dans un futur où ces mutations sont encore peu communes mais en progression exponentielle, le film traite aussi bien de notre rapport à l'altérité que de notre rapport au corps ou à la nature.
Le Règne animal est un beau film, avec de belles compositions et des mouvements de caméra inventifs et réfléchis, un gros travail sur les ambiances atmosphériques (brume, nuit, orage…), une très belle bande originale et, encore plus rare pour un film français, un excellent travail du son et des bruits, miroir de l’ouïe en développement d’Émile. La forêt de Gascogne offre un décor chargé de sens, entre forêts plantées « mortes » et forêts escarpées plus sauvages. Les effets spéciaux sont franchement bons et bien utilisés, notamment sur tout le travail des mutations. Il y a surtout des plans assez fascinants, comme la poursuite nocturne des échassiers en vue aérienne.
La faiblesse que l'on peut trouver dans ce film c'est de ne pas tout de suite savoir ce qu'il veut raconter. Il n'est pas toujours aisé de comprendre où veut nous emmener Thomas Cailley dans un premier tiers de film un peu fastidieux. Même si chaque morceau est bien réalisé, le réalisateur alterne entre thriller catastrophique, drame social sur les liens familiaux, film d'adolescent qui tente de s'intégrer à deux mois des vacances, thriller raciste aux accents cowboys, fable sur l'amitié… Cette petite faiblesse se retrouve également dans les personnages qui mettent un peu de temps à trouver leur marque. Au début Romain Duris fait du Romain Duris, il faut attendre la fin de ce fameux premier tiers pour qu'il devienne réellement François. En revanche, Paul Kircher en Émile offre un jeu captivant de bout en bout, de l'ado rebelle à l'animal humain. Petit à petit le film resserre son propos et s'affirme jusqu'à un final fort et émouvant. L'intégration des différents thèmes abordés permet d'arriver à ce final sans tomber dans le pathos ni la lourdeur. On pourrait même conjecturer que l'aspect brouillon du début et ce qui permet à l'œuvre d'émerger avec plus de légèreté sur la fin. Du père presque absent, trop absorbé dans sa quête, François devient féroce pour que son fils garde sa liberté. Cette échappée finale nous laisse une impression positive, comme l'échappée mentale salvatrice. Le recours en fantastique sert de toile de fond sur une parabole des rapports familiaux, et permet ainsi au Règne animal un propos moderne et subtil.