Thomas Cailley a une formation de Sciences Po et de scénariste, et ça se voit. Même si en l'occurrence il s'est fondé sur celui d'une élève de la Femis, on reconnaît la force de l'intrigue qui sait ne pas être couru d'avance et jouer en permanence sur plusieurs tableaux.
C'est effectivement un film avec plusieurs thèmes majeurs. L'amour n'est pas celui majeur mais on le retrouve aussi bien dans les relations du père avec sa mère comme celle du fils avec son amie. Quand l'autre change, mais qu'au fond de lui c'est celui qu'on aime, que devient-on ? Cependant le film ne fait "que" 2 heures et ne peut donc pas tout traiter en profondeur. Ce qui ne veut pas dire que les sentiments qu'il nous fait ressentir ne sont pas, eux, intenses.
Ensuite il est question de la filiation, ou plus exactement de la relation père/fils. C'est le plus important et c'est le fil rouge du film (le réalisateur nous le confiera lors de l'avant-première). Il est d'ailleurs explicite qu'au début le fils quitte la voiture de force et le père le retient alors qu'à la fin le fils sort de la voiture car le père l'y incite. C'est une belle métaphore de l'accompagnement à l'âge adulte. Sans mauvais jeu de mot, l'oiseau quitte le nid (je ne pense pas que cela soit choisi au hasard non plus). La simplicité du jeu de Duris est stupéfiante de force. Comment peut-il en dire autant avec si peu ? Pas besoin d'artifice, tout y est. Du côté de Kircher c'est également le cas, tout est très intériorisé et on le ressent.
Le caractère de son personnage participe d'ailleurs beaucoup à la tension présente dans le film. La violence est omniprésente, crescendo, mais très intérieure. Elle n'est exprimée ouvertement que peu de fois. Sinon, elle est à l'image de ses griffes qu'il s'enlève petit à petit en souffrant. Cela en fait un film dur et intense.
Je regrette juste, pour cette raison, de ne pas avoir eu de catharsis, d'exutoire à toute cette violence pour relâcher la pression.
Enfin, il y a la question du rapport de l'humain au vivant non-humain (ou mi-humain ici aussi). Nous évoluons comme le film le montre, non pas en cohabitation avec le vivant non-humain mais en opposition avec. Nous ne sommes pas capables aujourd'hui de vivre avec ce qui nous fait vivre. C'est à se demander si les humains ont conservé ce qui les rend vivants ? Comme disait Nekfeu (référence non cinéphile oui) " c'est rare de voir un être humain être humain".
On voit bien que la question de la différence est également centrale dans ce film. Elle dénonce implicitement les dérives identitaires de notre monde politique. Elle ne s'arrête pas là, montrant le développement du trop sécuritaire. Ce monde fait peur tant il paraît proche, n'y sommes nous déjà pas ? En bref, c'est un film éminemment politique, sous tous les angles. Il exacerbe sans trop d'efforts les traits néfastes de notre société.
C'est un film haletant, profondément émouvant dans sa violence intériorisée et sa relation père/fils, et manifestement actuel, politique, je dirais même sensibilisateur. Quand changerons-nous de rapport au vivant ?