Le cinéma fantastique français n'a pas que des beaux jours. Il semble difficile, voire presque impossible, dans l'hexagone, de produire du cinéma fantastique de qualité à grande échelle, les producteurs et distributeurs semblant persuadés que le public n'est pas intéressé. En espérant que Le Règne animal les fera mentir.
Le premier plan du film m'intrigue déjà, la première scène me montre que le film ne cherche pas à faire de cache misère et assume ses effets, et le reste du film m'emporte dans une écriture qui sait avoir la justesse humaine du cinéma français et l'efficacité du cinéma américain. Si on revient au premier plan, la main d'un adolescent en gros plan, presque macro, sur un pelage de chien, tout est déjà dit, sur le lien qu'aura cet adolescent avec son animalité, et sur le choix radical du film de s'attarder sur les corps, transformés par les mutations. Autre point, faut défaut cette fois-ci, j'ai l'impression au début du film que l'adolescent en question joue mal. Grossière erreur de ma part, impatience ridicule, puisque Paul Kircher incarne parfaitement l'adolescent mal dans sa peau, bizarre et en pleine puberté qu'Emile se trouvera être.
Autre chose, on ne s'attend pas à ce que le film soit drôle. Ou plutôt, on ne s'attend pas à ce qu'il soit aussi drôle, et aussi dur, et aussi gore, et aussi spectaculaire. Ce film est extrêmement riche et généreux, c'est à dire exactement l'inverse de ce qu'on attendrait d'un "film fantastique français". Et si d'ailleurs on devait chercher ce qui caractérise ce cinéma, dans sa dimension contemporaine, on pourrait sur certains points rapprocher le film de Thomas Cailley avec ceux de Julia Ducournau, et en dégager une obsession pour les corps et leur mutation, tant certaines morsures, pertes de dents et problèmes de poils en rappellent d'autres (Grave), et dans les deux cas, dans des films audacieux mais qui n'en oublient pas de rester accessibles, ce qui est leur plus grande force.
Le règne animal a couté environ 15 millions d'euros, ce qui est tout de même un gros budget pour ce type de production (pour rappel, le Visiteur du Futur n'avait eu que deux millions), et l'argent passe principalement dans les effets du film, au vue du nombre de plans truqués, que ce soit numériquement ou en effet pratique. Et c'est peut être ça qui fait la différence, puisque si on dit "film fantastique français", on aurait tendance à appréhender la question, en imaginant plutôt un gros casting surpayé, un film qui n'assume pas son concept et un scénario bancal. Non seulement Le Règne Animal ne coche aucune de ces cases, mais il parvient même à transcender son sujet, déjà original en soit, par un traitement juste sur tout les points, qu'ils soit humain, sociologique, métaphorique, et réussit le pari qui semblait impossible. En espérant que le film fonctionne assez pour qu'on en ai d'autres, des comme ça.