Une idée intéressante et une réalisation habile sur un sujet assez improbable. Imaginez un monde dans lequel des humains, suite à une épidémie, mutent et se transforment en animaux. Ce mal mystérieux atteint Lana, la femme de François, dont le visage se recouvre de poils et chez qui la parole disparaît progressivement. Ni lui, ni son fils Émile ne peuvent empêcher cette évolution. Elle leur est retirée et confiée à un hôpital tandis que sa mutation s'accélère et que la communication devient impossible. Pourtant, François ne renonce pas et décide de la suivre vers un nouveau centre de soins dans le sud de la France. Employé comme homme à tout faire dans un camping où il est logé, il emménage avec son fils. Mais le véhicule qui doit convoyer Lana ainsi que d'autres patients fait une sortie de route. Ceux qui en réchappent prennent la fuite et trouvent refuge dans ce qui sera désormais leur habitat, la grande forêt des Landes. Parmi les locaux, l'inquiétude grandit et une immense battue se met en place pour capturer les créatures de la forêt dont le nombre s'accroît au fur et à mesure que l'épidémie se propage. Débute alors une course contre la montre pour retrouver Lana tandis que le fils Émile, vraisemblablement atteint du même mal, voit son corps se transformer au moment où il arrive dans son nouveau lycée...
A quel niveau se situe la métaphore ? Difficile de le dire. L'épidémie de Covid est passée par là et, comme les personnages du film, on se dit que l'on est entré dans une ère nouvelle. Il faudra composer avec la nature. Le pangolin, une des créatures qui apparaît furtivement, fait le lien entre notre époque et celle qui s'annonce. Les êtres qui mutent souffrent dans leur chair mais cette douleur est celle d'un arrachement plutôt que d'une mutilation, excepté pour l'homme oiseau dont la face ravagée est le résultat d'une intervention chirurgicale qui l'a privé de son bec. La cause animale ou antispéciste, thème principal du film, s'incarne dans la propagation de l'épidémie et dans l'apparition cauchemardesque des créatures la nuit. Pour autant, le propos n'est pas dicté par le genre de la science-fiction ou du film d'horreur bien qu'il emprunte leurs codes pour dresser un tableau assez effrayant de la distance qui nous sépare désormais de la nature. Les créatures ont un aspect monstrueux mais un regard diantrement humain qui nous dit notre humanité déchue et la dose de souffrance que nous infligeons à ceux que nous jugeons inférieurs. Il nous incombe de faire machine arrière nous prévient le réalisateur sans nous cacher que cet arrachement hors de nous-mêmes sera nécessairement douloureux. Une forme d'accouchement de l'animal totem qui est en nous... Tout n'est donc pas complètement perdu. Le Règne animal est au final un film énergique et optimiste qui nous invite à l'action en rappelant ces mots de René Char : ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience.