À quel point la beauté d'un film peut compenser les faiblesses de son scénario ? Soyons francs, Le Robot sauvage est beau. Très beau. Nous sommes actuellement dans une décennie très enthousiasmante pour l'animation, libéré du dogme de la 3D réaliste. Là où Spider-Man puise sa créativité folle dans un constant dialogue visuel avec son matériau d'origine le comics, Le Robot sauvage embrasse davantage la peinture et les mouvements romantiques, en parfait accord avec son sujet sur la grandeur et la beauté de la nature.
Roz est un robot serviciel qui échoue sur une île nord-américaine, et a un besoin existentiel de recevoir une mission. Passée la barrière de la langue et quelques mésaventures, elle se voit confier la survie et l'élevage d'un oison, une tâche qui va l'obliger à réécrire progressivement sa programmation est à s’humaniser peu à peu, intégrant les émotions, l'humour et même des normes sociales et morales. Cette évolution nourrit un récit sur l'appartenance, la famille, l’autodétermination et l'émancipation, que ce soit pour Roz ou ceux qui l'entourent.
La relation que développe Roz avec Joli Bec et Escobar est assez charmante et le film est bien rythmé, on ne s’y ennuie pas. Mais je trouve que la deuxième partie du film est assez naïve et révèle les limites du scénario. Vontra et ses tentacules sont délicieusement inquiétants — quoique rappelant un peu trop Wheatly de Portal 2 — mais globalement les robots combattants, leur organisation tout comme les humains sont assez peu convaincants. Par ailleurs le placage d'une moralité humaine sur le règne animal et particulièrement incongru. Il n'y a pas de sens à juger moralement la prédation naturelle ni de vanter une amitié inter-espèces très artificielle. C’est un peu dommage, car si le film échoue sur son univers élargi, il est plutôt bon sur la relation plus intime entre Roz et Joli Bec.
Mais qu'est-ce que c'est beau ! Outre l'aspect peinture, le film regorge d'une grande inventivité de cadrage et de composition. La musique est très bien choisie et le travail des comédiens de doublage excellent. Cette maîtrise technique au service du récit m'a fait pleurer sur de nombreuses scènes (mince). Cependant les failles et limites du scénario ne peuvent pas compenser. On peut revoir une excellente histoire avec une direction artistique moyenne, il est plus rare d'avoir envie de revoir un visuel magnifique avec une histoire moyenne. Si le robot sauvage s'inscrit parfaitement dans les renouveaux de l'animation 3D, et qu'il offre des choses très intéressantes, il échoue à répondre à ses propres ambitions.