Avant Flow de Gintz Zilbalodis, par extension film d'animation le plus attendu de l'année avec La plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius, il était presque impossible d'imaginer que 2024 puisse faire encore mieux que la mignonnerie qu'est Le robot sauvage de Chris Sanders aux commandes des merveilleux Lilo & Stitch et Dragons.
Le robot sauvage est de ces films américains qui ont cette tendance à enfoncer le couteau dans la plaie béante de ce qui subsiste de la créativité de Disney et de sa marionnette Pixar. A commencer par une direction artistique continuant à expérimenter des idées visuelles toujours plus cohérentes des thématiques proposées. Cet héritage qui se perd chez Mickey, DreamWorks le renforce à sa manière. Ainsi, le double niveau de lecture et ici amené avec beaucoup d'humour et de poésie.
La poésie, grande réussite de Flow. Une plongée lyrique à hauteur de chat, n'hésitant jamais à s'assumer pleinement et à suivre les pas silencieux de Mon ami robot et de La tortue rouge, deux autres grandes réussites de l'animation européenne. Pas un seul mot dans cette autre monde post apocalyptique où l'humanité, vestige imposant du passé, offre pour tout héritage aux dernières créatures vivantes, un monde abîmé et mourant.
Deux films d'aventures, deux visions de la tolérance et de l'abnégation. Malgré ses grandes qualités, Le robot sauvage pourtant sans concessions sur ses thématiques plus matures comme la mort, l'adoption, la parentalité, la solitude, ... reste structurellement dans une écriture très américaine. Cela rend l'histoire moins surprenante dans sa deuxième moitié, ce qui dans l'absolu du visionnage, reste immersive et touchante.
Au contraire, Flow peut être aussi imprévisible que le comportement souvent très réaliste des animaux de cette Arche de Noé improvisée. Et paradoxalement, on y verrait presque une allégorie de l'humanité et de ses potentiels survivants. Par son idée du silence, l'esprit du spectateur est constamment sollicité, avec beaucoup de délicatesse, pour l'amener à comprendre ou interpréter les intéractions entre les différents animaux et cela en passant par tout un tas d'émotions contradictoires. Rien n'est jamais acquis.
L'autre grande réussite de Flow, au delà d'une superbe bande originale (Le robot sauvage n'est pas en reste) c'est son inspiration de l'architecture colossale de la trilogie vidéo-ludique de Fumito Ueda. Cette démesure vertigineuse de l'orgueil de l'humanité, cette captation de la grandeur et de l'infiniment petit et ses bâtisses élevées jusqu'au ciel renforcent cette idée écrasante d'un cycle infini, d'une quête sans issue.
Sans plus trahir les promesses tenues de ces deux grands films, je vous invite sincèrement à les découvrir en salle. Avec une préférence évidente pour Flow et parceque c'est potentiellement celui qui fera le moins d'entrées.