"Le travail c'est la liberté !"... ou pas

Que n’ai-je découvert ce film plus tôt ! Ou peut-être que non. Peut-être que c’est finalement un mal pour un bien. Si enfant j’aurais probablement apprécié toute la poésie qui se dégage de ce film, je n’aurais certainement pas saisi toutes les références. Car des références il y en a. De « Metropolis » de Fritz Lang aux « Temps Modernes » de Chaplin, de Salvador Dali à Rodin, ou d’ « Ubu roi » de Jarry à « 1984 » de G. Orwell.

Le roi, monarque absolu à la vie totalement vaine assujettit son peuple. Despote tellement remplaçable qu’il disparait du film remplacé par son double sorti d’une peinture. Soit vous lui obéissez volontairement et vous vous conformez à sa vision des choses et alors vous vous déshumanisez tels ces policiers tous identiques (entre la Stasi et les Chemises noires de Mussolini), soit par la contrainte il vous offre une vie miséreuse et aveugle tel ce peuple de la ville basse qui ne sait rien du monde extérieur (autarcie) et qui ne vit que pour travailler et ne travaille qu’à promouvoir la gloire de ce roi. L’oiseau, seul, symbole du poète, ose s’opposer à ce roi pour voir triompher l’amour d’une bergère et d’un ramoneur. Sa seule arme les mots.

Ce qui est particulièrement intéressant, surtout quand on se rappelle qu’on est encore en pleine guerre froide quand est « créé » ce film (création qui s’étale sur une très longue période entre les années 50 et la fin des 70s), c’est que ce film critique le capitalisme (travail à la chaîne) et questionne sur l’utilité de certains progrès technologiques (ascenseur-fusée, jet-skis, auto-tamponneuse et bien sûr le méga robot destructeur) mais qu’on peut également y voir quelques références au nazisme bien sûr : « le travail c’est la liberté » s’exclame le roi, renvoyant alors à l’inscription « le travail rend libre » des camps de concentration mais n’oublions pas que les soviétiques n’étaient pas en reste question camps et qu’ils avaient eux aussi une devise étrangement proche « Par le travail, la liberté ». Même si l’on connait les sympathies politiques de Prévert, il y a de petits détails, pour peu qu’on connaisse les références ou qu’on se renseigne, qui apporte une lecture finalement pas aussi unilatérale qu’on pourrait le penser.

Bref, un dessin animé très bien écrit et réalisé qui manque peut-être de rythme à un ou deux moments mais qui reste suffisamment poétique pour plaire au plus petits et suffisamment riche et intelligent pour intéresser les plus grands.
ghyom
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le 12 mai 2014

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ghyom

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