"Le rouge est mis" est un film de Gilles Grangier tiré d'un roman d'Auguste Lebreton (Série Noire n° 213). Le scénario et les dialogues sont majoritairement d'Auguste Lebreton et partiellement de Michel Audiard.

C'est un polar qui fait un peu mentir la légende de la solidarité ou de l'unité d'une bande de gangsters. En règle générale, on voit une bande qui est à peu près cohérente et qui fait face, unie, aux flics ou encore, on voit, deux bandes rivales qui se foutent sur la gueule avec les flics en témoins. Mais les deux bandes rivales ont, chacune, des styles différents, des mentalités différentes mais répondent au dicton "qui se ressemble, s'assemble".

Ici, on n'est pas vraiment dans ces deux schémas. D'abord, la bande est hétéroclite. La cohérence de la bande est assurée par un seul homme qui assure la nécessaire solidarité au moins de façade pendant l'action et en présence des complices. Et quand ça ira mal ou que le chef de bande n'est pas présent, la bande éclatera en individualités qui ne se comprendront plus. Rien que pour ça, ce film "Le rouge est mis" est intéressant.

Et puis, on a de formidables numéros d'acteurs avec des scènes peut-être pas cultes mais au moins célèbres et marquantes.

Commençons par le chef de la bande Jean Gabin. Son personnage, Louis, "le blond" est un garagiste bien établi et cossu avec en arrière plan des affaires en Amérique du Sud dont on ne saura pas grand-chose. Juste pour situer le bonhomme. C'est un "vieux garçon" qui habite encore chez sa vieille maman qui se ronge les sangs et qui est "marchande des quatre saisons". Je jubile toujours quand je vois Gabin en fils attentionné et obéissant (en pyjama le matin en train de se faire une tartine) et en parallèle en redoutable chef de bande. En fils attentionné et obéissant qui se ramasse une gifle de sa mère quand elle le surprend à secouer son petit frère "tu n'as pas honte, ton petit frère !".
Sauf que le "petit" frère, Pierre, c'est juste Marcel Bozzufi, tricard à Paris, qui vient de se faire emballer par les flics, suite à la visite à sa copine, Hélène qui habite Paris.
Ah mais, attention, la copine, c'est pas n'importe qui ! C'est une remarquable Annie Girardot. J'adore la mise en scène de l'actrice où elle est réveillée par la visite de son amant, Pierre, une nuit. La caméra ne regarde alors que les jambes (dénudées) de l'actrice qui ont un mouvement lascif (ensommeillé mais très érotique) pour aller déverrouiller la porte. C'est après qu'on voit et reconnait Annie Girardot.
Une autre scène que j'aime beaucoup c'est la scène de l'emballage d'Hélène par Louis, alias Jean Gabin, qui prend la mesure de la vénalité de la copine de son "petit frère". On n'est pas dans le rôle franc de la salope ou de la michetonneuse, on est dans quelque chose de bien plus crédible et de plus subtil, qui ressemble plus à la femme qui profite des bons coups qui passent à portée de la main. Cette scène est bien plus efficace dans le film que dans le roman, d'ailleurs.

Paul Frankeur, autre élément de la bande de Gabin. Il joue le rôle de quelqu'un qui semble mener grand train et qui a besoin de ces petits revenus (défiscalisés) organisés par Louis (Jean Gabin). Excellent travail d'acteur dans un rôle du mec à la fois fanfaron et pété de trouille. "Tu comprends, Louis, on tuait de trop. On tuait de trop. On tuait de trop". Son rôle est très crédible entre ces deux facettes, l'avidité face au fric et la peur panique face au risque. La scène où il sort un revolver face à ses acolytes stupéfaits est magnifique et montre bien à quel point la bande est hétéroclite et ne tient que grâce à l'ascendant de Louis (Gabin).
Un troisième personnage de la bande, c'est Lino Ventura dans le rôle d'un gitan psychopathe, Pepito, qui ne pense qu'instinctivement. Lui aussi, Louis (Gabin) parvient à le maîtriser quand il l'a face à lui ; hors du champ, il n'est plus qu'un animal féroce.

"Le rouge est mis" est un polar très noir, avec une atmosphère très particulière, très réaliste.

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le 3 oct. 2021

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JeanG55

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