Le talent de Clouzot n’est certes plus à démontrer. Mais avec Le salaire de la peur, doublement primé au Festival de Cannes (Palme d’or, prix d’interprétation pour Charles Vanel) et Ours d’or au Festival de Berlin, celui que l’on surnomme le Hitchcock français se hisse au niveau des plus grands.
Si l’on retient en général la deuxième partie du film, à savoir le convoi de nitroglycérine en camion par quatre morts en sursis – la mission étant clairement proche du suicide –, son premier tiers, qui prend place dans le village fictif de Las Piedras, est nécessaire. Implanté en Amérique latine, ce bourg réunit tous les parias, tous les « inutiles » venus des quatre coins du monde, tous ces hommes dont plus personne ne veut. Sous la chaleur étouffante, cette prison à ciel ouvert, proche de l’enfer, rend fou. Lorsque des Américains proposent à ces hommes de conduire des camions chargés de nitroglycérine sur des routes accidentés pour 2 000 dollars chacun, ils n’hésitent pas et signent. C’est le début d’une course folle, à la limite du sadisme, orchestrée par un Clouzot plus retors que jamais. La tension gagne aussi bien les quatre conducteurs que les spectateurs. Yves Montand et Charles Vanel, au volant d’un des deux camions, excellent dans l’inconscience comme dans la lâcheté. Un grand moment de cinéma, à découvrir absolument, et si possible sur grand écran.
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