Qu’est-ce qui fait la peur au cinéma ? Comment atteindre ce point de tension si particulier entre le suspense proprement dit et l’affect pour les personnages ? Personnellement, je ne pense pas avoir de réponse parfaitement trouvée pour être universelle. Par contre, Henri-Georges Clouzot, lui, cette recette, il l’a. Et non seulement il l’a, mais il en a fait un film. Parce que passé son heure d’exposition où l’on a créé un lien avec les quatre malheureux qui vont vivre l’enfer montré par la suite, Le salaire de la peur, c’est justement la terreur à l’état brut. L’idée est simple, mais extrêmement efficace : point A, point B, et la mort est à chaque tournant, à chaque petit cahot dans les 500km qui les séparent. Enfin
efficace… Quand la mise en scène suit, mais ici, oh Dieu, elle suit. Parce que dans l’heure et demi que dure le trajet en camion, il n’est pas un instant où Le salaire de la peur n’est pas terrifiant, où il n’est pas éreintant. Dès le remplissage du camion, on sait qu’on va souffrir. Dès qu’il commence à rouler, c’est une terreur permanente, jamais relâchée, puisque chaque relâchement est l’occasion de faire remonter brutalement la tension, et Clouzot ne lâchera jamais son spectateur avant la toute fin du film. Absolument jamais. Même quand on pense être sorti de l’enfer. C’est pour cela que ce film a la marque des plus grands films d’horreur : même pour tout l’argent du monde, en aucun cas, on n’accepterait ne serait-ce que 10 minutes à la place de ses personnages. Et ça c’est formidable.