Il y a des jours où on a le moral dans les chaussettes et on se dit que ce serait pas mal de voir un mauvais film par plaisir maso d'effectuer un transfert de son mal être vers une œuvre dédiée à cet effet. Ce remake du Salaire de la Peur fait indubitablement partie de cette catégorie. Car, oui voir de bons films dans de telles conditions reviendrait à amoindrir la qualité de réception de l'œuvre.
Bref retour sur le Clouzot. Ah Clouzot, le maître du suspense, le joueur de lumière et de l'ombre mais aussi la Continental, Radio-Paris... Bref, de l'ancien temps.
A l'annonce du projet de remake, je me suis dit qu'il fallait voir ce monument. Eh bien, ça a un peu vieilli. En effet, les moments de stress sont très bons, mais certains effets de tournage en studio pour les scènes dans les camions en mode oss 117 avec le volant qui tourne dans tous les sens et les corps qui se forcent à bouger pour reproduire la route cahoteuse sont vieillots. Ou encore, cette histoire à la Speed où il faut rouler à une vitesse minimum pour éviter un effet de résonance et faire exploser le camion, wtf. Mais surtout, la Véra Clouzot en amoureuse transie d'un Montand qui la considère comme un pot de fleur m'interroge sur la réception du film à l'époque. Certains considéraient-ils ça comme une histoire d'amour à l'époque ou voyait-on déjà le Montant comme un goujat et la Vera comme une femme sous emprise?
Bref, reprenons la critique de ce remake.
De beaux et grands colons européens s'occupent d'aider des enfants d'un township avec leur amour et des kalashs dans un pays arabe défaillant pour les protéger des militaires et des milices. (L'oasis de Fint, lieu du tournage, mérite de s'arrêter manger le tagine à l'auberge de la Roche noire, ceci dit en passant). Mais manque de pot, une conduite d'un puits de pétrole pète et ça flambe de façon infiniment moins impressionnante que dans le film des années 50. Faut donc balancer de la nitro pour souffler la flamme et sauver le village mais la nitro est loin.
Bon, clairement l'essence de l'original n'est plus là. On suivait des âmes damnées sans le sou prêtes à tout pour se sortir de leur trou à rat avec un désespoir tel qu'elles jouent leur vie à la roulette russe dans une compétition sans merci. Ici, dans le remake, la cause n'est plus pathétiquement matérialiste mais pseudo humaniste et familiale.
Des frères mercenaires au grand cœur sont campés par Franck Gastambide (chauve diagnostiqué HPI, ça se voit pas trop) et Alban Lenoir (le mec qui botte des culs dans le French Netflix Universe). A la suite d'un mauvais tuyau du chauve HPI pour partager le butin de son client tué par la police, Bastonnator aka. tablette 52% cacao est envoyé dans les geôles de l'Atlas. Pour les amateurs, c'est le moment de se rincer l'œil, Alban Lenoir torse nu luisant au soleil et recouvert de poussière se bat contre d'autres musclors prisonniers comme dans les pires nanars. Mais la Compagnie pétrolière veut les "meilleurs" et fait donc libérer le frère pour refaire la paire infernale et arreter l'incendie.
Au lieu de suivre la tension de deux camions isolés de peur de l'explosion, on a un unique convoi à vitesse folle qui subit des fusillades sans accroc. Alors qu'on pouvait passer des longues secondes silencieuses sur les roues du camion passant sur un gros caillou, ici que nenni. Ça tire dans tous les sens, on comprend rien à l'action surdecoupée, on utilise du lance roquette à gaz sur les helicos au lieu de roquettes explosives sinon y aurait plus de film. Des voitures sautent comme dans les séries allemandes de l'apres-midi de mon enfance : ah, Alerte Cobra et les BMW qui font des tonneaux.
Aux moments de stress, au lieu de faire place au silence, on met une musique nulle au violon ou autre randomisation musicale.
On tente de reproduire la scène de la route dégagée à l'explosif et la traversée de la flaque de pétrole mais c'est expédié et sans intérêt. Le pire étant l'explosion d'un des camions : si dans l'original ça fonctionne et choque par l'inattendu et le soudain avec ce gros flash, ici on le voit venir à des kilomètres et l'explosion semble ridicule.
Tout finit par le HPI mourrant qui dans son dernier souffle arrive à tirer dans la tête de deux méchants à plus de 100m au milieu d'otages avec un petit flingue. Sacrifice final avec prout du camion sur l'incendie, image de blédards heureux et clap de fin abrupt. Fin semi heureuse par rapport à l'original où l'appât du gain ne peut qu'ammener à la ruine.
Générique direct, noms des acteurs et mdr, Éric Serra à la musique. Il serait bon d'aller prendre sa retraite.