Deux camions, deux équipages (Yves Montand et Charles Vanel, Folco Lulli et Peter Van Eyck) convoient à travers le relief hostile d'un pays d'Amérique centrale de la nitroglycérine destinée à éteindre l'incendie d'un puits de pétrole.
On a retenu du film de Clouzot, adapté d'un roman de Georges Arnaud, les conditions extrêmes et dramatiques d'un voyage au danger omniprésent et au suspens continu. On se souvient aussi de l'investissement total, manifeste et non feint, que Clouzot a su imposer au long d'un périple éreintant au jeune Montand et au moins jeune Vanel.
Pour autant, le long préambule qui forme la première partie du film, avant que les protagonistes poussés par l'appât du gain ne postulent à la mission quasi suicidaire, constitue un remarquable moment de cinéma en même temps qu'un aperçu de la vision désenchantée que Clouzot a de l'humanité. En quelques plans, le cinéaste plante un décor réaliste, celui d'une ville (aux allures mexicaines) où des aventuriers de toutes nationalités végètent, désoeuvrés et désargentés, croupissant dans la même misère que la population autochtone. C'est un microcosme authentique et, peut-être, symbolique de la diversité des caractères humains -dont on verra, concernant les personnages de Jo et Mario comment ils évoluent dans l'action périlleuse- sinon de la condition humaine considérée par Clouzot.
Ce cinéma-là n'a pas vieilli parce qu'il témoigne, dans son âpreté, d'une exigence constante.