J'ai vu le remake fait par William Firedkin avant de voir l'original.
C'est peut-être une erreur, peut-être pas.
Toujours est-il que c'est ainsi.
Si bien que j'étais plein des images du remake américain en abordant cet original français.
Et il est admirable de voir comment les deux films, chefs d’œuvres qu'ils sont tous les deux, s'équilibrent parfaitement.
Là où Le Salaire de la peur pèche (et c'est sans le vouloir vraiment) c'est dans la véritable angoisse qu'il n'arrive jamais vraiment à distiller chez le spectateur, la faute à une esthétique trop ancienne (on est bien dans un film des années 50, donc sans immersion par la caméra ni gros moyens, quoique le budget et les effets spéciaux de ce film ait été incroyables pour l'époque) ce à quoi Sorcerer palliait admirablement grâce à un climat quasi horrifique qui plongeait vraiment le spectateur dans la poisse et l'humidité de cette jungle sauvage (ce que ne parvient jamais à faire l'original français, car tourné dans un décor provençal).
Mais là où Sorcerer péchait, en s'évertuant inutilement à donner un passé à ses personnages (en résulte des scènes d'ouverture assez hors-propos voire carrément brouillonne), Le Salaire de la Peur réussit en nous donnant des personnages d'emblée, sans introduction, qui conserve leur mystère durant toute la durée épique du film.
Dans tous les cas on ne peut que se plier face à la maîtrise de la mise en scène d' Henri-Georges Clouzot qui signe avec ce film le parfait modèle d'aventure virile et humaine, et un parfait condensé d'action et d'émotions, grâce à un pitch ultime pour postulat, l'un des meilleurs jamais écrits pour le cinéma, qui donne au réalisateur la possibilité d'en faire ce qu'il veut.
Admirable.