"Le samouraï", c'est Jef Costello, un tueur à gages qui semble ne vivre que lorsqu'il exécute un contrat. Tel le fauve qui ne sort qu'à la nuit pour trouver sa pitance.
C'est un solitaire, très professionnel dans la gestion de son travail en assurant méticuleusement ses arrières. Dans une de ses interviews (bonus du DVD), Melville dit que le thème du film est la solitude. C'est vrai. Mais il a déjà considéré des personnages solitaires par exemple dans "le doulos". C'est même une constante chez les personnages de Melville qu'on retrouvera dans "le cercle rouge", dans "Léon Morin", "l'armée des ombres", etc … Ce n'est donc pas seulement ça, pour moi. Ici, ce qui m'impressionne le plus dans le personnage du "samouraï", c'est son rapport à la mort. Sa vie n'est qu'ôter la vie (d'autrui). Sa vie ne considère aucun des plaisirs qui donnent de l'attrait à la vie. Elle n'est pas humaine.
L'histoire policière, au demeurant fort intéressante, me semble presque passer au second plan devant la description par le menu du "samouraï". La longue présentation en début de film où Delon gît et fume sur son lit dans une piaule spartiate où il n'y a aucun confort sinon l'essentiel pour survivre. Et un oiseau dans une cage. On pourrait dire que l'oiseau humanise l'appartement car c'est le seul à émettre un son régulier (toujours le même, triste). On pourrait dire aussi qu'il est le gardien de l'appartement mais ce serait aussi oublier que tenir un piaf en cage dans un appartement sordide n'est pas forcément une grande preuve d'humanité.
Melville a poussé la description de son héros à l'épure du tueur, solitaire, invincible. Par exemple, lors de ses deux meurtres, on ne le voit même pas dégainer. Je me suis amusé à repasser au ralenti les deux scènes où l'image passe directement d'une position anodine des mains à celle où le revolver est en main en train de tirer. C'est bien à cette notion d'invincibilité, d'inhumanité à laquelle Melville voulait arriver.
Spoiler : Invincibilité face aux hommes, uniquement ! Car le message se brouille à la fin où j'ai beau voir et revoir ce film, je suis toujours dans le doute. La question qui se pose lorsque Cathy Rosier (la pianiste) fait les yeux doux à Delon qui y semble (enfin) sensible, comme attiré. Je ne vois qu'une réponse possible, c'est que Cathy Rosier représente la mort de Delon. On ne peut pas tuer sa mort. On ne peut que s'y livrer. François Périer, excellent en commissaire, n'est finalement qu'un rabatteur qui travaille pour elle !
Delon offre dans ce film une performance intéressante. Son regard glacé, paralysant (scènes de confrontation, par exemple) est redoutable. Son extrême tension lorsqu'il essaie les clés pour démarrer une voiture volée est à mettre en face de celle, débonnaire, du flic qui utilise le même matériel pour ouvrir la porte de l'appartement.
J'aime beaucoup le personnage et la prestation de Nathalie Delon en femme libre même si, en vérité, elle est soumise au pouvoir hypnotique de Delon.
Je reste toujours impressionné par le personnage de Cathy Rosier en maîtresse du Jeu. En Reine de la nuit. Il semble que ce soit son premier rôle mais quel rôle !
Le samouraï, un film mythique… Du Melville, quoi !
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