Avec Magnificent Obsession, Sirk écrit une jolie mélodie sur l'air du mélo flamboyant. On y parle de culpabilité, d'amour et de rédemption et c'est toujours sous couvert d'une peinture volontairement intensifiée uniquement par l'appui d'un esthétisme transcendantale à la beauté subjuguante qu'il parvient à toucher sa cible, le spectateur. Pas de doute on est dans du très grand cinéma.
Le premier plan du film nous montre le personnage de Bob Merrick, jeune millionnaire playboy et mégalomane entrain de faire ronfler le moteur de son superbe hors-bord. Il se dirige à toute vitesse sur l'écran dans un florilège d’éclaboussures. Le personnage est déjà décrit dans toute son antipathie, le générique vient à peine de s'achever, le constat est déjà flagrant.
Interprété par le beau gosse de service, Rock Hudson, le personnage de Merrick est à mille lieues de celui qu'il interprétera l'année suivante dans Tout Ce Que Le Ciel Permet, l'un des autres chefs d’œuvre de Sirk. Malgré son antipathie et sa mégalomanie galopante, l'intérêt de ce personnage est évidemment qu'il aille vers quelque chose de meilleur.
Après avoir provoqué indirectement la mort du bon docteur Phillips, personnage dont on entend parler en bien, sorte d'érudit bienfaiteur qui cachait un secret, il provoquera l'accident de sa veuve interprété par Jane Wyman (la Cary de Tout Ce Que Le Ciel Permet), qui lui coutera la vue. Dès lors il n'aura de cesse de chercher à réparer ses erreurs et surtout de résoudre l'énigme de cette obsession fabuleuse, ce secret magnifique...
Esthétiquement le film atteint une nouvelle fois des sommets de perfection, avec son florilège de jeu de couleurs volontairement intensifiées. Un parti-pris qui intensifie la beauté plastique d'une œuvre dont le script déroule de lui-même. On imagine aisément la suite que le cinéaste cherche à donner à son propos. Mais tout cela est fait avec une grande élégance et un sens inouï de la construction.
Toujours magnifiquement étayé par son esthétisme chatoyant, le mélodrame Sirkien découle de lui-même et s'auto-alimente en évitant l'auto-citation et sans jamais tomber dans le pathos et la gratuité édulcorée.
Le thème chez lui, prédomine, il est un grand raconteur d'histoire, mais rien n'est facile et se contente d'alimenter du cliché larmoyant. L'émotion naît d'elle-même. A chacun de s'en faire sa propre perception.
Esthétisant, émouvant, flamboyant, étonnant, encore un immense morceau de bravoure à ranger au panthéon des chefs d’œuvre du mélodrame.