L'amour fou honteux d'un noble exilé en terre païenne met de l'ordre dans une myriade de conflits

Dans la grisaille morale plombante du Moyen Age surgit  une relation d'amour fou entre un chef noble et une paysanne de village celte en Normandie, qui provoque un conflit fratricide chez les seigneurs et une bataille d'anthologie entre les  maitres du château et la paysannerie alliée à des pilleurs Frisons venu du Nord de l' Europe.

La première séquence donne le ton : un chevalier et sa troupe exténués atteignent un fief reculé de Normandie appartenant à leur suzerain, "le duc" (qu’on ne verra jamais), pour exploiter et protéger le domaine et ses paysans. C’est une simple tour (bâtie sur ce qu’on appelle une « motte castrale ») entourée de marécages, près d’une côte maritime soumise aux pillages périodiques des Frisons venus du Nord. 

L' ouverture du film, avec l'image superbe du donjon noyé dans une sorte de brume ou de flou onirique, est magnifiée par le grand chef opérateur Russel Metty.

Les échanges sur la route entre le nobliau responsable du groupe, joué par Charlton Heston, son jeune frère, joué par Guy Stockwell, et son écuyer homme de main serviteur et ami, joué par Richard Boone, sont verbalement frustres, à peine articulés, et parfois hermétiques. 

Les liens entre eux sont forts et inquiétants. Ils sont tous accablés : par le lieu démuni et arriéré qu’ils découvrent (il y a des traces de paganisme partout, dans les chemins forestiers et dans les arbres) ; par leur pauvreté persistante et par leur mission minable ; par leur passé faits de combats harassants ; par leurs obligations envers le duc,  par celles des uns envers les autres ;  et aussi par leur histoire familiale : le pere des deux nobles est mort après la perte de tous ses biens, une rançon qui fut donnée aux Frisons. 

Ce climat va durer pendant tout le film. Il est le fruit d’un réalisme de cinema remarquable sur cette période du moyen-âge (le XIème siècle) - pour ce que nous en savons, car c'est peut - être la représentation erronnée que nous avons du Moyen Age - d’une certaine pauvreté des moyens du film, et aussi de l’arbitraire du scénario, qui ne lâche rien sur un misérabilisme qui domine dans les interactions physiques et psychologiques entre tous. 

Dans cette grisaille morale plombante survient cependant une relation d'amour entre le chef noble et une paysanne du village celte. Celle-ci (jouée par Rosemary Forsyth) est pourtant promise en mariage à un villageois (joué par James Farentino), le fils du chef des serfs lesquels sont mi païens mi chrétiens.

Le lien du nouveau couple commence par de  la surprise, de la violence, de la crainte et de la honte réciproque.  Il se poursuit dans  l’hésitation et la culpabilité, mais il va se réaliser sous l’égide de la contrainte coutumière et religieuse, le droit de cuissage, malgré la pression morale adverse.  "C’est votre droit selon nos règles (païennes) c’est un viol selon les vôtres (chrétiennes)" lance avec mépris le chef de village au nouveau résident de la tour. 

Mais entre le noble esseulé et la paysanne virginale ce fut aussi un coup de foudre qui va se déployer comme un amour fou (le titre de la pièce d’origine de Leslie Stevens était « The Lovers »). Il s’impose malgré l’hostilité aussi bien dans le village des serfs que dans la tour des nobles, même s'il est pris dans la nasse des règles subies par tous. A la fois enclavé, contesté et sans issue, il va entraîner une spirale de conflits. 

D’abord celui des villageois qui vont, contre ces nobles retranchés dans leur tour, jusqu’à s’allier à leurs ennemis de toujours, les Frisons. Alors, la derniere partie offre une longue bataille, mémorable, avec béliers, échafaudages, huiles bouillante, flèches enflammées, catapultes (ce qui justifie le titre du film). Ensuite c’est le conflit des deux frères nobles jusqu’à un combat fratricide.

Mais curieusement, au lieu de finir dans une surenchère de tragédies, ce qu’on commençait à craindre, on assiste à un revirement. 

Le semi happy end peut sembler exagéré et pourtant il a du sens. Car le nobliau, se débarrassant de tout le fatras de règles qui rendaient les protagonistes prisonniers de destins sordides et violents, agit enfin de manière directe et honnête envers tous  : envers son amour, la jeune femme, qu’il met à l’abri ; envers ses amis ; même envers ses ennemis les Frisons ; et enfin envers son suzerain. Va-t-il en fin de compte tirer bénéfice de cette manière, psychologiquement libérée, de résoudre les conflits de loyauté qui le hantaient, cette fois en ne lésant personne ?

On le quitte sur le chemin du retour, blessé, avec son fidèle servant, alors qu'il va retrouver "le duc" qui le jugera au terme de son périple, car c’est la loi de cette époque. La fin reste ouverte.

Michael-Faure
8
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le 16 oct. 2024

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Michael-Faure

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