Plus encore que les inquiétudes liées à la volonté de ses créateurs de se tourner vers le cinéma d'animation (*) pour donner naissance au préquel du SDA, le projet "La guerre des Rohirrim" interrogeait dès l'origine sur la pertinence de son approche marketing, axée sur un ancrage profond dans la première trilogie réalisée par P.Jackson.


Cette allégeance, qui ouvre inévitablement la porte à la comparaison, est marquée dès la première bande annonce par des extraits des "Deux tours", prélude à une "bascule" vers les images de l'animé pour un "retour vers la terre du milieu", et manifeste sans équivoque la volonté des producteurs de renouer avec les fans de la franchise perdus dans les plaines abyssales d'une série, supposée de démarquer des œuvres précédentes. Dès l'ouverture de cet opus, l'objet un peu bâtard tout de même, (tout au moins supposé illégitime), ne ment pas dans sa volonté d'exhiber une filiation forte. D'abord, par la reprise du thème de l'anneau d'Howard Shore, immédiatement suivie de quelques notes du thème du Rohan... accompagnées de la voix envoûtante de Miranda Otto, -Eowyn- témoin et narratrice de la légende de ses ancêtres du Rohan.


Ces premiers instants et les premières images renvoient rapidement les fans des contes de la terre du milieu à leur condition précaire. Tout à la fois émus de s'immerger à nouveau dans les décors légendaires, magnifiés par une animation 3D surprenante, mais également un peu déçus par une représentation graphique en 2 dimensions de personnages aux visages anguleux, dont les émotions sont représentées selon les canons habituels de l'animation japonaise, un peu ancienne: gros plans sur des pupilles dilatées laissant échapper une larme exprimant tristesse ou colère, mouvements frémissants des lèvres... Ils sont pourtant attachants nos nouveaux héros : Helm le colosse, roi du Rohan deux siècles avant Théoden, patriarche un peu vieillissant, père autoritaire mais bienveillant de deux fils et surtout d'Héra sœur intrépide, princesse convoitée par le fils d'un seigneur jadis ami, mais qui va après quelques péripéties entrer en guerre pour prendre possession du trône.


Evidemment, "La guerre des Rohirimm" film de commande, né probablement de l'obligation faite à la Warner d'exploiter régulièrement la franchise pour ne pas en perdre la licence, ne possède pas la profondeur ni l'ampleur du triptyque initial. La poésie et la magie en sont absents tout comme les elfes et à un degré moindre les magiciens, mais l'effort n'est pas dépourvu d'une certaine grandeur, et l'on se retrouve de fait devant une aventure à mi-chemin entre un épisode du Seigneur des anneaux et de Game of Trones.


Les antagonistes, horde de marcheurs sauvages emmenée par l'impitoyable Wulf (l'amoureux éconduit) ne sont pas sans rappeler les marcheurs blancs, le long siège hivernal du gouffre de Helm offre une résonnance particulière et semble illustrer un leitmotiv bien connu : "Winter is coming..." Les choix scénaristiques pourront toujours prêter à débat, puisque la guerre des Rohirrim est l'adaptation d'un texte très court de Tolkien (le chapitre II de l'appendice A, annexé à la deuxième version du seigneur des anneaux -l'intégralité se trouve ici : https://www.youtube.com/watch?v=75zyvWcu0CY&t=790s&ab_channel=UniversFantasy )

mais le développement du personnage de Héra à l'écran est probablement le meilleur des choix possibles

(surtout lorsque la rousse flamboyante "met la pâtée" à l'ignoble Wulf, macho ridicule désavoué par les siens.)

Au final, même si la seconde partie régurgite quelques longueurs, cette septième incursion en terre du milieu est en soi une bonne surprise. Quant à savoir si cet épisode peut soutenir la comparaison avec les films en prise de vue réelle...

La première trilogie demeure un monument inégalable de l'héroic Fantasy et les voies du vrai seigneur des anneaux (P.Jackson) resteront longtemps impénétrables, même si le rythme du récit, la conception de l'espace, notamment dans les scènes de batailles ou le déplacement des imposantes créatures animales semblent avoir été effleurés par sa grosse patte velue.


* Quelques éléments permettent d'apporter une légitimité au choix de l'animé :

Les deux premières adaptations de l'œuvre furent des films d'animation, d'abord Le seigneur des anneaux en 1978 ,puis "Le retour du roi" en 1980 ; JRR, le maitre lui même écrira dans une lettre de 1957 adressée à son éditeur :


En ce qui me concerne, j'accueillerais personnellement volontiers l'idée d'un dessin animé avec tous les risques liés à la vulgarisation et cela sans du tout prendre en compte l'état de l'argent, même si à l'orée de la retraite cela n'est pas une éventualité désagréable. Je crois que je je trouverais la vulgarisation moins douloureuse que la bêtification réalisée par La BBC" *

lettre 198 à Rayner Unwin 19 juin 1957, issue des "Lettres" de Tolkien parues en 1981, dont voici le texte original :


[An American film-maker had enquired about the possibility of making a cartoon film of The Lord of the Rings.]
As far as I am concerned personally, I should welcome the idea of an animated motion picture,with all the risk of vulgarization; and that quite apart from the glint of money, though on the brink of retirement that is not an unpleasant possibility. I think I should find vulgarization less painfulthan the sillification achieved by the B.B.
Yoshii
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