Dans une Suède médiévale Antonius Block,un chevalier,est en route pour regagner son château après des années passées aux Croisades.Alors qu'il vient de passer la nuit sur une plage en compagnie de son écuyer Jöns,il rencontre la Mort en personne,venue le chercher.Afin de gagner du temps,il lui propose une partie d'échecs,ce que la Camarde,sûre de l'emporter,accepte.A partir de là,Antonius le croyant en pleine interrogation et Jöns,l'athée convaincu,vont poursuivre leur chemin à travers un pays en proie à la peste et à la dégénérescence.Ingmar Bergman est le meilleur cinéaste suédois de tous les temps,et "Le septième sceau" est considéré comme son chef-d'oeuvre.Il en est le réalisateur et le scénariste,adaptant sa pièce "Peinture sur bois",car le gars est aussi dramaturge.Il s'agit d'un road movie philosophico-religieux lors duquel les deux personnages vont croiser un peintre décorant une église de fresques horribles,des comédiens ambulants un peu cons,des moines fous,des soldats fatigués,une procession de flagellants,un forgeron bas de plafond et sa femme à la cuisse légère, et de soi-disant sorcières destinées au bûcher,pendant que la Mort rôde et les suit.Le film,célébration des noces funèbres du sacré et du trivial, est esthétiquement impressionnant,chaque scène étant une oeuvre d'art proche de la peinture des maîtres flamands grâce à la science du plan d'un Bergman bien assisté par la mirifique image noir et blanc de Gunnar Fischer,dont les clairs-obscurs et les contrastes sont magiques,les costumes d'époque de Manne Lindholm et les décors de P.A. Lundgren,qui vous transportent au Moyen-Age en direct live.C'est produit par la Svensk Filmindustri,firme publique créée en 1919.On l'aura compris,il ne s'agit pas d'une comédie,d'ailleurs l'auteur n'a pas vraiment une réputation de comique.Fils de pasteur,généralement qualifié de janséniste,voire de sinistre emmerdeur par certains,Ingmar s'attaque ici à rien de moins qu'au mystère de la Création,n'hésitant pas à poser ces questions auxquelles personne ne peut répondre.Le titre se réfère au Livre de l'Apocalypse,un ouvrage que détiendrait Dieu et qui est fermé par sept sceaux.Chaque sceau brisé est une étape franchie vers la fin des temps.Les quatre premiers libèrent les Cavaliers de l'Apocalypse,en l'occurrence la Conquête,la Guerre,la Famine et la Mort,et le septième et dernier déverse le feu qui va brûler la Terre et achever la destruction du Monde.Qu'est-ce qu'on se marre!Mais pourquoi le cinéma devrait-il toujours être distrayant?Si c'est ce qu'on croit,mieux vaut éviter Bergman.Tous les marqueurs de la décadence pré-apocalyptique sont ici déroulés impitoyablement.Cruauté,hypocrisie,violence,sexe,religion dévoyée et maladie galopante conduisent les hommes à leur perte ultime alors qu'un chevalier perdu cherche à comprendre le sens de tout ça sans évidemment le trouver.Tout juste saisira-t-il que la seule chose certaine est la victoire inévitable de la Mort,qui accomplit son office sans même connaître elle-même le but de ce qu'elle fait mécaniquement.Certes,ce pessimisme aboutit à une fausse résolution.L'Apocalypse n'a finalement pas lieu mais le film revêt une forme d'avertissement prédictif assez pertinent lorsqu'on compare son contenu avec la situation actuelle.Mêmes causes,mêmes effets potentiels,peut-être le septième sceau sera-t-il bientôt brisé?Bergman ne sauve in fine que le couple innocent de baladins,sa sensibilité artistique le poussant sans doute à penser que ceux qui habitent un monde imaginaire et n'aspirent qu'à distraire leurs semblables sont les seuls à mériter de survivre au Jugement Dernier.Il est également possible que son personnage de Croisé perdant des années de vie à guerroyer au loin,et sa vie elle-même en revenant,soit une métaphore de cet Occident portant le fer en des terres lointaines alors que son propre territoire se délite.Les acteurs,pour la plupart des habitués du cinéma bergmanien,sont dans l'ensemble formidables mais l'origine théâtrale du sujet transparait parfois et confère à certaines séquences et interprétations des aspects excessifs,maladroits,voire clownesques,ce qui est le cas de toutes les scènes avec les baladins,de la scène de l'adultère de la femme du forgeron ou de la mort du patron des comédiens,ce qui est dommage dans un contexte réaliste et tragique.Par contre la puissance de la mise en scène est bien là,rendant les protagonistes et leurs échanges inquiétants et déstabilisants avec ces conversations à têtes rapprochées,ces trognes flippantes,ces sourires torves et ces regards malveillants.On sent que ça peut exploser à tout moment et que l'irréparable n'est jamais loin.Max von Sydow,tout jeune et tout blond,affiche un charisme phénoménal en noble juste mais en plein doute existentiel,formant avec le très bon Gunnar Björnstrand un duo de redresseurs de torts égarés dans un monde en perdition.Bengt Ekerot,pâle et lugubre,fout carrément la trouille en incarnation de la Mort têtue et sans état d'âme.Nils Poppe en fait trop dans un personnage déjà bien chargé de baladin genre idiot du village,et Ake Fridell n'est pas non plus des plus sobre en forgeron cocu et pas content.En revanche Bertil Anderberg est parfaitement effrayant en moine criminel complètement à la masse.Les filles sont toutes magnifiquement belles et douées,de Bibi Andersson en théâtreuse insouciante à Gunnel Lindblom,toujours vivante à 89 ans, en rescapée quasiment mutique,d'Inga Gill en paysanne infidèle à Maud Hansson en jeune sorcière désespérée,en passant par Inga Landgré en châtelaine patiente.