Un film proche dans ses thèmes du fameux "Fugitif", interprété par Harrisson Ford et réalisé 20 ans plus tard, en 93. Ou le parcours solitaire d'un homme poursuivi par une force inexorable et implacable, dans une atmosphère d'incompréhension des manipulations dont il est l'objet. La comparaisons des deux films est intéressante. Lino Ventura tout d'abord ne démérite pas et campe une victime à la fois attachante et charismatique. On sent chez lui une opiniâtreté, une rage sourde comparables à celles de son pendant américain (champion toute catégories pourtant dans le registre de l'innocent persécuté). C'est tout ce qu'il fallait étant donné que Ventura est présent si je ne me trompe pas dans la totalité des scènes du film.
Le film américain, très efficace, et excellent, il faut l'avouer, versait parfois dans l'excès à force d'appuyer ses effets. Ici, la mise en scène est sobre, nuancée, sensible. Pour sa première réalisation, Claude Pinoteau travaille en artisan consciencieux. Belle bande originale, dont le cinéma français était coutumier à l'époque, belle photographie, dialogues excellents (et concis), seconds rôles souvent savoureux (le patron du MI5).
Hélas, hélas.. le film qui commence bien ne tient pas dans la longueur. Sans doute Pinoteau, qui explique dans un bonus que c'est Ventura qui était à l'origine du projet, n'a t il pas tort quand il dit que l'intrigue du roman d'origine ("Drôle de pistolet", Francis Rick) était somme toute assez plate. De fait, si la mise en place au départ est habile, au bout de trois quart d'heure, la narration se déroule jusqu'au terme du film sans surprise : il ne s'agit en fin de compte que d'une banale histoire d'espionnage, ni plus bête, ni plus intelligente qu'une autre...
L'autre faiblesse du Silencieux réside dans ce qui pourtant aux dire de Pinoteau, est l'essentiel du film, à savoir les retrouvaille de Ventura et de son passé. Là, rien à faire, l'émotion ne passe pas (et pour commencer je dois avouer que Léa Massari ne me parait pas crédible en femme de Ventura), la mise en scène de Pinoteau, élégante, aérienne, est incapable d'exprimer l'intensité des sentiments, c'est même troublant : on dirait deux langages étrangers l'un à l'autre, deux mondes qui s'ignorent... Fort heureusement, cet aspect de l'intrigue ne représente en durée objective qu'une petite partie du film. Si l'on fait donc abstraction de ces deux défauts, on retiendra du "silencieux" le savoir-faire, l'élégance sobre de sa réalisation et, bien évidemment, l'excellente interprétation de son personnage principal. C'est déjà beaucoup !