Depuis leurs premiers courts-métrages (Fable domestique, Lucha Libre, Avec Thelma), Ann Sirot et Raphaël Balboni dissèquent les différents états du couple avec humour et fantaisie. Une vie démente, leur premier long, creusait ce sujet aussi, quoiqu’un peu de biais : en se retrouvant à devoir s’occuper de Suzanne atteinte de sénilité, le couple formé par Alex et Noémie mettait en pratique leur désir d’enfant, en faisant une expérience de la parentalité… autrement.
Le désir d’enfant est aussi le point de départ du nouvel opus du duo de cinéastes. Un désir que Sandra (Lucie Debay) et Rémi (Lazare Gousseau), couple de trentenaires bruxellois, n’arrivent pas à réaliser. Après une visite chez le médecin, le diagnostic tombe : le duo est atteint du “syndrome des amours passées”. Pour en guérir, ils devront chacun(e) recoucher… avec tous leurs ex-amant(e)s. C’est ainsi qu’avant de se projeter dans le futur, Sandra et Rémi se retrouvent à réexaminer leur parcours de vie. On fouille dans les tiroirs pour retrouver la photo de ce mec croisé en soirée, on rappelle son amoureuse du lycée, on déballe devant l’autre son passé sexuel en toute sincérité… Dans cette nouvelle configuration, entre expérimentations, secrets dévoilés et coucheries débridées, leur couple pourra-t-il résister ?
À partir de ce pitch improbable et décalé, Sirot et Balboni déroulent un film jubilatoire, qui chatouille certaines de nos normes relationnelles et romantiques bien installées – comme l’injonction à la parentalité, ou à l’exclusivité sexuelle. Loin du film à thèse, leur Syndrome contient toute la légèreté et l’inventivité qui caractérise leur cinéma : les dialogues, fluides, s’enchevêtrent parfois, laissant la place à l’hésitation et au naturel. Si certains coins d’Anderlecht sont clairement reconnaissables, les décors dans lesquels le couple évolue ont souvent un côté unique et hors du temps - comme le salon aux murs blancs et sans fenêtres chez Rémy et Sandra, sorte d’igloo sur les murs duquel les Polaroïd des amant(e)s passé(e)s seront épinglés. Ou encore la piscine aux parois jaune pastel qui sera le théâtre d’une pool party déguisée aussi drôle que sexy… La caméra quant à elle, ni trop mobile ni trop rigide, accompagne les personnages de près sans les étouffer. Une mise en scène organique, à la fois cadrée et mouvante, qui donne comme l’impression d’un flottement contrôlé. Mais la cerise sur le gâteau, ce sont les scènes de sexe, qui, sans trop en dévoiler, s’affranchissent joyeusement du souci de réalisme, pour raconter cette intimité autrement, entre ballons colorés, fauteuils gonflables et paillettes. Jouissif et réjouissant.
À travers ses personnages principaux, incarnant le couple « hétéro de base », le film s’amuse aussi à inverser certains clichés toxiques de la virilité, comme celui du mâle et de son supposé « tableau de chasse », ou celui de la féminité timide et chaste. Et si l’on regrette tout de même que le tout reste enfermé dans une certaine hétéronormativité (voire une hétéronormativité certaine), la conclusion - qu’on ne dévoilera pas – réussi à boucler habilement la boucle de l’histoire de Rémi et Sandra, en ouvrant les horizons vers de nouvelles possibilités de « faire famille » et de relationner.
Aux côtés de Lazare Gousseau et Lucie Debay on retrouve par ailleurs quelques seconds rôles efficaces. À commencer par Nora Hamzawi, (Doubles vies, Eléonore) hilarante dans le rôle de la (demi) sœur de Rémi, avec qui elle partage un certain passé. Citons aussi Vincent Lécuyer (habitué des séries belges et déjà présent dans les courts-métrages de Sirot et Balboni) pétillant dans le rôle du médecin, ou encore la flegmatique Florence Loiret-Caille (Le Bureau des Légendes).
Accueilli avec enthousiasme à la Semaine de la Critique où il a fait sa première mondiale lors du dernier Festival de Cannes, le Syndrome est une pépite pop – parfois (trop) sage, souvent surprenante, et définitivement la comédie romantique de la rentrée.
-Elli Mastorou
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