Une oeuvre originale mais ultra fidèle
La première chose qui frappe en voyant Le Temps de l'innocence est son immense fidélité à l'œuvre originale de Wharton. Le moindre détail, la plus petite description est retranscrit par Scorsese dans son film. C'est assez unique dans une adaptation de livre pour le souligner.
Évidemment, le livre dans son intégralité n'est pas reproduit. Certaines scènes sont plus courtes, construites très légèrement différemment ou certains dialogues secondaires sont supprimés. Mais il est tout à fait possible de suivre le film le livre à la main en retrouvant sur papier chaque scène de l'œuvre cinématographique.
Cette fidélité trop grande peut sembler négative, réduisant le film à ne simplement mettre que des images sur un texte. Pourtant, de façon intéressante, le rendu final est assez différent d'un support à l'autre. Cet écart est dû aux priorités qui ne sont pas les mêmes dans le livre et dans le film. Chez Wharton, les thèmes des normes sociales, de la pression "du monde", du conditionnement sont au cœur de l'œuvre alors que chez Scorsese l'histoire d'amour prime sur tout le reste. Le film est avant tout l'histoire de deux êtres s'aimant mais ne pouvant vivre ensemble. Le livre présente cette romance comme un moyen de dépeindre la société hypocrite New-Yorkaise alors que dans le film, cet amour caché est la finalité.
En réalité, c'est tant mieux que cela soit ainsi. On se retrouve avec la même histoire mais présentée différemment selon le support ce qui rend les deux œuvres complémentaires. L'une n'empiète nullement sur l'autre, on peut ainsi explorer dans l'un ce que l'autre n'approfondissait que relativement peu. Cependant, je m'interroge sur la parfaite compréhension du film pour une personne n'ayant pas lu le livre. En lecture, on peut recommencer un passage si l'on a pas compris, dans un film, c'est moins évident. Je ne sais pas si les liens entre familles et personnages sont très clairs pour quelqu'un ne connaissant pas l'histoire.
Côtéréalisation, c'est du magistral. Les décors sont d'une somptuosité à en faire rougir Barry Lyndon. Chaque environnement représente parfaitement bien le personnage qui y habite. Ce n'est pas simplement une reproduction historique, c'est une illustration par le décor de la personnalité des personnages. Quant aux acteurs, Day-Lewis est probablement un peu trop vieux par rapport au personnage d'origine mais il n'en donne que davantage de caractère ce qui est au final une bonne chose. Michelle Pfeiffer est excellente dans ses expressions faciales même si encore une fois, je n'imaginais pas du tout son personnage ainsi. Par contre Winona Ryder m'a parut un peu fade, répétitive dans son jeu. Certes son personnage est ainsi fait, très passif et prévisible mais n'est-il pas possible de varier de l'inlassable sourire de façade ? J'ai également était surpris par la narration de la voix off qui a un texte quasi copié mot pour mot sur le texte d'origine. Je me demande simplement pourquoi avoir choisi une voix de femme.
Finalement, je ne pensais pas voir un film de si grande qualité, incontestablement un solide rival face aux Liaisons Dangereuses dans le domaine de l'adaptation littéraire.