Produit sous fond de Maccarthysme, devenu depuis l’un des westerns les plus célèbres du genre, ou encore, film préféré entre tous de Bill Clinton (qui l’aurait vu à dix-sept reprises durant ses deux mandats à la présidence des Etats-Unis), « High Noon » est un film de Fred Zinnemann, sorti en 1952.


Alors que le shérif Will Kane épouse la jeune quaker Amy Fowler, le redoutable bandit Frank Miller sort de prison. Miller, arrêté et condamné grâce à Kane cinq ans plus tôt, a juré de se venger. Ses hommes, apparus en ville, viennent l’attendre à la gare : Miller arrivera par le train de midi, et rien ne pourra alors plus l’empêcher de tuer Will Kane.


« High Noon » possède la particularité de se dérouler presqu’en temps réel. Durant toute la durée du film – une heure trente – l’on suit Will Kane qui déambule en ville, cherchant des alliés pour l’affrontement mortel qui se prépare. Alors que tous ses anciens amis se défilent, et que l’angoisse monte chez le pauvre homme de loi, l’heure, quant à elle, avance inexorablement. Zinnemann intercale ainsi des plans sur l’horloge du bureau du marshal : outre l’urgence qu’elle représente pour Kane, elle permet également au spectateur de suivre la progression du temps et la montée de la tension.


Souvent décrit comme le "western pour ceux qui n’aiment pas les westerns", le film en suit pourtant les codes et en reprend les thèmes. L’enjeu principal concerne le personnage de Will Kane, le shérif. Opposé à un tueur mortel, en nette infériorité numérique, Kane pourrait fuir avec son épouse (qui, par ailleurs, déteste les armes). Un tel refus de paraître au défi de Miller constituerait cependant un déshonneur insupportable pour Kane. Héros de western classique, pour Will Kane, le sens du devoir, l’honneur et le courage passent avant son bonheur personnel, et il est prêt à leur sacrifier sa vie.


Là où le film se distingue d’autres œuvres plus traditionnelles, c’est dans sa description assez sombre et sans concession de la ville et de sa population. Les habitants, qui doivent pourtant la tranquillité et prospérité de la bourgade aux actes de Kane, se défilent un à un lorsque celui-ci demande leur assistance. Ceux qui juraient l’instant d’avant une amitié indéfectible au marshal se dérobent par couardise. Même ses soutiens les plus fidèles l’exhortent à la fuite et lui refusent une main-forte pourtant cruellement nécessaire.
C’est un constat assez noir que fait Zinnemann sur la nature humaine, où la lâcheté, l’hypocrisie et l’ingratitude remplacent chez les habitants de la ville des valeurs plus traditionnelles et positives. Il n’y a pas un homme pour en racheter un autre, et, la mort dans l’âme, Kane découvre le véritable visage de ceux qu’il a défendus et considérés comme ses amis tant d’années durant.


Doté d’une très belle photographie en noir et blanc, le film de Zinnemann est un succès sur tous les plans. Le casting est d’une grande qualité, que ce soit au niveau des seconds rôles obséquieux et méprisables, ou d’un Gary Cooper vieillissant, figure centrale du film. Très peu maquillé, son visage marqué par l’angoisse et la tension est parlant au-delà des mots. L’on trouve également une toute jeune et jolie Grace Kelly, et la première apparition à l’écran de Lee Van Cleef dans un petit rôle de malfrat.


Si le film possède désormais une aura mythique – il fut classé 27e plus grand film de tous les temps par l’American Film Institute et 2e meilleur western – c’est aussi grâce à sa bande originale. La musique, composée par Dimitri Tiomkin, est l’une des premières à inclure une chanson spécialement écrite pour le film. Le morceau en question, « Do Not Forsake Me Oh My Darling », puissant et entêtant, permet également à cette bande son de remporter l’Oscar de la meilleure musique de film. C’est alors la première fois qu’un film autre qu’une comédie musicale s’impose dans cette catégorie.


Œuvre passionnante, dotée d’une atmosphère maîtrisée de bout en bout par Fred Zinnemann, l’on assiste dans « High Noon » à la course éperdue d’un marshal abandonné de toutes parts contre le temps. Au rythme des battements de cœur sourds de Will Kane, et de la musique intemporelle et magnifique de Dimitri Tiomkin, l’on est tenu en haleine jusqu’à la conclusion magistrale du film. Un grand western sous tous ses aspects.

Aramis
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le 20 août 2015

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