On cantonne trop souvent Lucio Fulci à sa dernière période de bis extrême (L'Au-delà, L'Enfer des Zombies, Frayeurs, etc.), mais c'est oublier l'aspect plus "soft" de sa carrière, à l'image de l'excellent L'emmurée vivante, et Le Venin de la Peur (Una Lucertola con la pelle di donna, soit Un Lézard dans la peau d'une femme) appartient clairement à cette catégorie.
Ultracréatif, gigantesque tout en restant réaliste, le film explore la personnalité troublée d'une bourgeoise cocue accroc au LSD qui est accusée d'avoir tué sa voisine lesbienne sur laquelle elle fantasmait en rêve (et dont elle indique avoir rêvé le meurtre à son psy).
Le film s'attarde finalement moins sur la résolution du mystère (pourtant tout à fait maîtrisée et qui impose une deuxième vision au film) que sur le cheminement mental de l'héroïne. Ni tout à fait polar ni tout à fait giallo, on assiste ici à un ensemble de séquences parfaitement connectées mais toutes différentes les unes des autres: le summum est atteint lors de cette scène d'anthologie où le personnage principal est poursuivie par un anonyme et se cache pour lui échapper. La caméra pète les plombs (zoom/dézoom, axe/désaxe, gros plan/plan d'ensemble, etc.), le montage fait preuve d'une inventivité qui devrait servir de leçon à tous les réalisateurs actuels et les repères sont perdus avant que le cours du récit ne reprenne normalement.
En fait, un seul fil blanc tout au long du film: les sifflements de l'enquêteur, "images"-même de Fulci et qui résonnent longtemps en tête. A voir absolument.