Film de Robert Enrico vu à sa sortie en 1975. Pour la petite histoire, je l'ai même vu deux fois à quelques jours d'intervalle car, pour un bête problème d'horaire, je n'ai pas pu voir la fin du film lors de la première projection …
Film impressionnant dans tous les sens de l'adjectif puisque Enrico s'inspire du drame d'Oradour-sur-Glane lors de la remontée vers la Normandie de la division SS "Das Reich" en juin 1944.
En 1944, Julien, chirurgien à Montauban, décide de mettre à l'abri sa femme et sa fille dans un petit village du Quercy. Mais c'est sans compter avec le passage d'une colonne SS allemande qui assassine tous les habitants du village. Julien, venu rendre visite aux siens, fou de douleur, se transforme en un bloc de haine et va éliminer les SS coupables encore présents.
Mais résumer le film comme je viens de le faire, enlève toute une dimension au film. Mon résumé est ce qu'on retient évidemment du film avec la vengeance implacable dans les différentes scènes-clé. Mais faisant comme ça, j'oublie que le film est aussi un film d'amour. Mieux, n'ayons pas peur des mots, c'est un hymne à la vie telle qu'elle devrait être. Le film est régulièrement ponctué de scènes en flash-back d'un passé heureux, désormais brisé, mort. Chacune de ces scènes, toutes accompagnées par la même mélodie de François de Roubaix, permet à Julien de mesurer ce qu'il vient de perdre et de lui donner la force pour accomplir une tâche qui ne correspond plus au personnage neutre et humaniste qu'il s'efforce d'être dans une vie normale du fait de son métier dans un hôpital.
Le film commence et se termine par la même scène d'une balade à vélo de la petite famille. Sauf que la scène finale ne peut pas avoir la même tonalité car elle succède à la scène de Julien, poignant à travers ses yeux gonflés de larmes, qui vient de commencer à réaliser. Rien ne sera plus comme avant.
Ce Julien, c'est bien sûr un Philippe Noiret extraordinaire et bouleversant, exprimant toujours avec un grand talent toutes les facettes du personnage que ce soit avant (belle scène de la première rencontre avec Clara) ou pendant son action de châtiment. Clara est interprétée par une lumineuse Romy Schneider. Sans oublier Jean Bouise dans le rôle du collègue de Julien, de l'ami attentif et bienveillant de toujours …
Beaucoup de films (de guerre) nous montre la déshumanisation du soldat en temps de guerre qui devient, par la force des choses et sur ordre, une machine à tuer (ou à se faire tuer). Ici, Enrico pousse le raisonnement un peu plus loin et nous montre à quelle vitesse la violence (gratuite, ici) qui détruit la partie intime de la vie d'un homme peut aussi le transformer en une efficace machine à tuer. Même si l'homme en question se voulait au-dessus de la mêlée du fait de sa profession médicale.
Pour finir, même si tout n'est pas parfait dans la mise en scène ou dans certains raccourcis, il reste que "le vieux fusil" est un bon film, ne serait-ce que par la puissante prestation de Philippe Noiret dans ce personnage d'homme à qui on a volé sa raison de vivre.