Une découverte.
Louis Malle, aidé du scénariste Jean-Claude Carrière, s'est inspiré d'un roman de Georges Darien qui, si je me réfère à ce que j'ai pu lire à son sujet, était un romancier du XIXème, un peu beaucoup "anti-tout", tendance anarchiste.
Même si le film "le voleur" met en scène certains personnages de ce type, cela reste toutefois marginal. Louis Malle se concentre sur un personnage Georges Randal, d'origine très bourgeoise, riche orphelin sous la tutelle d'un oncle qui ne cesse de le rabrouer "pour son bien" et qui n'hésite non seulement pas à le spolier mais à l'empêcher d'épouser sa fille dont il est amoureux. Par dépit, on pourrait aussi dire "pour suivre le bon exemple de son oncle", il vole les bijoux de la famille pressentie pour le mariage de sa fille, ruinant de facto les projets de mariage …
Oui, mais voilà que Georges Randal vient à apprécier l'adrénaline apportée par ce type d'activité et s'en fait une spécialité et un métier…
Pas question pour Louis Malle de faire de son héros, un anarchiste ou un activiste politique. Si son héros méprise la bourgeoisie, principale cible de ses vols, il en a quand même besoin et ne va pas aller détruire sa source de profits ! Louis Malle, lui-même d'origine très bourgeoise, en égratigne avec une petite pointe de cynisme les côtés ridicules, bien-pensants et même cléricaux. Mais il fait évoluer son héros dans des milieux qui restent aisés. On pourrait penser que Louis Malle a mis en scène un nouvel Arsène Lupin mais non ! Parce que Georges Randal se considère avoir toujours un compte à régler avec son oncle (qui l'a spolié, entre deux pensées pieuses) et ceux qu'ils volent : il n'a pas l'élégance ou le brio d'un Arsène Lupin. Lui, il casse pour voler.
"Il y a des voleurs qui prennent mille précautions pour ne pas abîmer les meubles, moi pas. Il y en a d'autres qui remettent tout en ordre après leur visite, moi jamais. Je fais un sale métier, mais j'ai une excuse, je le fais salement"
Mais ce que je retiens de ce film, c'est le casting qui est très brillant.
Le héros principal est interprété par un Jean-Paul Belmondo inhabituel mais très bon. Le personnage est sombre, glacial, à la poursuite d'une chimère. Belmondo joue sobrement ce rôle de l'homme de l'ombre, du travail de nuit. On est loin de l'acteur virevoltant et imaginatif de "l'homme de Rio". Ici, on a affaire à un être méticuleux, classique dans son approche du cambriolage. Même les femmes lui tombent dans les bras bien qu'il ne fasse pas grand-chose pour séduire. La moustache, peut-être ? Pas de doute, c'est ça …
Des seconds rôles de grand talent :
Julien Guiomar dans un rôle de l'abbé de la Margelle qui, après avoir laissé penser qu'il était le curé de la famille, "garant d'une foi à faire déplacer les montagnes et surtout récupérer des subventions", se montre sous la nature inattendue d'un voleur et même d'un chef d'une association de voleurs. J'apprécie toujours cet acteur qui est une "gueule" du cinéma et dont je ne compte plus les rôles truculents, pittoresques, impayables … Pour résumer cet acteur, c'est la gueule d'un bourgeois pétri de morale, fort en gueule et complètement pourri. J'adore…
Geneviève Bujold, dans le rôle de la fille de l'oncle qui choisit le mariage aisé plutôt que l'aventure avec Belmondo mais qui finira par le rejoindre bien plus tard.
Succulente scène où on voit Bujold avec son fiancé, un homme maigriot et boutonneux, avec un Belmondo de belle prestance au second plan …
Marie Dubois, une des nombreuses maîtresses que connaîtra Belmondo. Dans le rôle d'une bourgeoise rousse – un peu dépravée – un peu cupide – mais évidemment très bien jouée ! Superbement habillée et maquillée, j'ai presque eu du mal à la reconnaître. Mais sa voix et son regard l'ont trahie… Un peu à contre-emploi mais excellente comme toujours !
Paul Le Person en voleur qui fait équipe avec Belmondo joue le rôle du tâcheron consciencieux et compétent. Encore une gueule du cinéma français.
Et puis Bernadette Lafont en affriolante soubrette qui n'a pas froid aux yeux, Françoise Fabian, Marlène Jobert, Jacques Debary dans le rôle d'un député, Charles Denner dans un petit rôle d'un voleur anarchiste qui en veut à toute la société, contrairement à Belmondo.
Pour conclure, je vais juste dire que "le voleur" est décidément un film très très "honnête" de Louis Malle dans lequel on ne s'ennuie pas et dans lequel on sourit souvent.