Lee Miller
6.2
Lee Miller

Film de Ellen Kuras (2023)

Photos glaçantes et larmes chaudes

On avait croisé ses photos glaçantes dans quelques vieux manuels d'Histoire, sans connaître les coulisses des clichés, aussi incroyables que les sujets qu'ils capturent. Lee Miller, c'est l'histoire des femmes (toutes les femmes) dans la tourmente de la Seconde Guerre Mondiale, avec en prime deux magnifiques twists à la fin, qu'on n'a absolument pas vus venir. Premier objectif de ce magnifique Rolleiflex, dépoussiéré avec un bout de chemise kaki : un sujet poignant. Deuxième objectif : Kate Winslet dans un rôle qui mériterait bien un petit BAFTA, si vous voulez notre avis. Troisième objectif (celui qui est caché à l'intérieur du boîtier) : les deux twists inattendus. Mais...qu'attendez-vous encore pour y aller ? Dans les seconds rôles français, Noémie Merlant nous a ravagé (comme toujours) avec sa beauté étincelante, Marion Cotillard nous a fendu le cœur (idem, comme à son habitude dans les excellents drames qui la comptent), et que dire de la vedette-titre, avec une Kate Winslet qui transporte le film aussi fermement que son appareil photo, qui nous livre un portrait de femme forte, grande gueule et pourtant loin d'être insensible à la détresse qui se trouve de l'autre côté de l'objectif. Une fillette qui rampe comme un animal pour aller à sa pitance misérable, une femme qui vole plusieurs pains pour aller les redistribuer à des détenues impotentes, des femmes violées, tondues, pointées du doigt, et d'autres (dans leurs bureaux de presse) à qui l'on dit de ne surtout pas

montrer ces images

, pour faire mourir ces âmes perdues une deuxième fois, dans l'indifférence totale. Lee Miller est un film dont on ignorait absolument tout, qui nous a chopé au col, et pas qu'une fois. On fait certainement partie des "niais des twists", car l'on n'a vu arriver ni le premier (que

le journaliste n'en est pas un, mais n'est que son fils qui interroge sa mère sur sa vie d'avant... On pensait même que la maman du journaliste, dépeinte plus tôt, n'avait rien à voir avec Lee Miller

), ni le second (

elle est morte, et l'entretien que l'on suit depuis le début n'est qu'un fantasme, une discussion à cœur ouvert qu'aurait voulu le fils, se posant de nouvelles questions au fur et à mesure des clichés qu'il observe...

). On a ouvert de grands yeux ronds au premier twist, aussitôt suivi du second, qui a manqué de nous faire tomber du siège (on est vraiment un excellent public pour les twists). Une finesse d'écriture que le film s'offre, alors qu'avec son sujet, ses interprètes (on ajoute la touchante interprétation d'Andy Samberg, vraiment meilleur dramaturge que comique à notre humble avis, de Josh O'Connor et d'Alexander Skarsgard, un casting masculin de rêve), et la passionnante histoire de cette photographe dans un contexte qui ne voulait pas d'elle, n'avait même pas besoin de s'embêter avec un final étonnant, ce qu'il a fait, et on l'en remercie. Aussi, si vous voulez vraiment profiter du film à fond : allez le voir en VOST, car Kate Winslet fait l'effort de parler français une bonne partie du film, et cela a son importance (lorsqu'elle habite avec ses amies dans le Sud de la France, lorsqu'elle s'adresse à une "collabo" que l'on condamne un peu vite, et dont elle adopte la langue quelques instants pour se mettre à hauteur de femme, idem lorsqu'elle empêche une française de se faire violer par un soldat américain, ce sont souvent ces "moments de femmes, en pleine guerre" qui sont enluminés par la langue française). Dernière boutade personnelle : non, ce n'est absolument pas Mougins au début du film (on aimerait bien avoir la mer, et ce n'est pas vraiment le paysage local : "spoiler", ça a été tourné en Hongrie et Croatie). Mais au-delà de toute considération historique (déjà copieuse), Lee Miller est une histoire passionnante et touchante d'une femme qui se dévoile au fur et à mesure des portraits défaits, anéantis, détruits qui passent devant les trois objectifs de son Rolleiflex, qui construit lentement les coulisses d'une Guerre qu'on n'a plus (heureusement) qu'en papier glacé. Comme Lee Miller préférait la lenteur du Rolleiflex (plutôt que les Leica de reporters, très rapides) pour capturer des effets esthétiques, un peu de vie là où tout n'est que tristesse et mort, le film aime prendre son temps pour nous laisser venir à la grande Dame, et ressortir de la salle les yeux mouillés.

Aude_L
8
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le 21 oct. 2024

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