Lee Miller
6.2
Lee Miller

Film de Ellen Kuras (2023)

La Miller des uns ne fait pas notre bonheur

Le film d’Ellen Kuras, consacré à l’illustre photographe américaine Lee Miller, s’avère être un véritable monument d’ennui et une accumulation de platitudes. La faute principale semble incomber à une absence de réflexion globale sur le projet, doublée d’un manque de discernement quant à l’angle de traitement.

La vie de Lee Miller, ex-modèle pour Vogue et muse de Man Ray, devenue l'une des premières femmes photographes de guerre, est pourtant d’une richesse et d’une singularité indéniables. Partie sur le front pour témoigner des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, elle s'est imposée par son courage et son refus des conventions, bouleversant ainsi la perception du monde à travers son objectif.

Il n’y a pas à dire, le film est totalement raté, en dépit de la vie foisonnante de la photographe, drôle par inadvertance à certains moments. Même la performance de Kate Winslet, qui se donne corps et âme pour interpréter son personnage, n’y change rien. Au contraire, son jeu intense accentue presque le ratage du film. On sent tellement l’effort et le travail derrière sa performance qu'elle semble forcer pour donner chair à son personnage, alors que le film accouche d’une souris.

Ce qui est également risible, c’est le casting international. Il semble que le tout-Paris ait jugé essentiel de figurer dans ce projet international "incontournable". Marion Cotillard n’apparaît que dans deux scènes, dont l’une vraiment grotesque, où elle retrouve Kate Winslet dans son appartement vide après la guerre. Noémie Merlant, bien qu’elle n’ait que deux scènes elle aussi, s’en sort un peu mieux. Quant à Zita Hanrot, elle n’a qu’une scène et deux répliques et hérite d’un rôle purement anecdotique. C’est assez pathétique.

Le choix de centrer le film sur « La femme dans un monde d’hommes » plombe l’ensemble, au détriment de l’œuvre de la photographe. Tout au long du film, Lee Miller est confrontée aux obstacles que lui impose la société masculine, que ce soit face à un supérieur odieux chez Vogue, en tant que rare femme dans les camps militaires, ou encore lors de son passage à Saint-Malo, où elle sauve une jeune femme d’un viol et réconforte une autre, accusée d’avoir entretenu une relation avec un Fritz. À force de filtrer chaque épisode de sa vie sous le prisme de l’émancipation et de la solidarité féminine, le film en arrive à effacer le génie artistique de Miller, la réduisant à une figure symbolique et quasi anecdotique. Que cette lecture soit fondée ou non importe peu : il s’agit ici du portrait d’une photographe dont les clichés ont marqué l’histoire. On aimerait que le sujet et son œuvre soient explorés, plutôt que de simplement la voir prendre des photos.

Kuras commet l'erreur de ne pas centrer son film sur l'oeuvre de la photographe. Le spectateur est consterné de ne voir apparaître que quelques rares clichés de Lee Miller, dispersés ici et là, sans qu’on comprenne ce qui en faisait l’originalité, tant sur le fond que sur la forme. Double ironie : Ellen Kuras, avant d’être réalisatrice, est surtout connue pour son travail en tant que directrice de la photographie, ce qui aurait dû garantir une mise en valeur des œuvres de Miller. Quant au générique final, il révèle finalement les photographies privées de l’artiste et laisse apercevoir que certaines scènes sont des reproductions exactes de certains clichés. Si le film s’appuie si explicitement sur les photographies originales, pourquoi ne pas les montrer davantage ?

Franchement, j’ai envie d’arrêter là. Il n’y a vraiment rien à sauver de ce film laborieux et rasoir : ni les acteurs, ni les dialogues surchargés et artificiels, ni la structure en flashback où l’on voit une Lee Miller âgée raconter des épisodes de sa vie à son fils. Pauvre Josh O’Connor, qui n’a que trois scènes insignifiantes à interpréter. Une seule scène m’a marquée : celle où Miller, photographiée nue dans la baignoire d’Hitler très peu de temps après son suicide, pose la photo officielle du Führer sur le rebord et lance au photographe : « Fais gaffe à ce qu’on ne voie pas mon sein, on risque de se faire censurer ». Une réplique drôle, mais noyée dans un ensemble affligeant.

Noel_Astoc
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le 3 nov. 2024

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