→ Quantième Art
Le seul moyen d’imaginer une comédie de la part d’un gars qui a fait une trilogie toute tristoune sur le prolétariat finlandais, c’était qu’il renoue avec l’absurde de Calamari Union, où figuraient d’ailleurs déjà les proto-Leningrad Cowboys. Kaurismäki est responsable de l’existence aussi bien du film que du groupe, ayant eu la chance que son sens de la plaisanterie soit pris au sérieux dans les deux arts & lui permettant de produire cette œuvre parfaitement complémentaire méritant plus que nulle autre l’épithète de comédie musicale.
Création qui ne fait pas exprès d’être internationale, elle est de ces ovnis brillants nés d’une blague prise suffisamment au sérieux pour séduire exactement l’audience qu’il faut pour la rendre mystérieuse & exubérante sans qu’elle se décompose sur place, telle une étude à la fois solide & sans substance dans le registre lynchéen mais cocasse, cohérente en elle-même comme si elle contenait l’entièreté de son propre sous-genre ; comment en serait-on arrivé sinon à faire patauger un idiot du village finlandais dans le bayou de Louisiane à la recherche d’un groupe de polka-jazz-rock nourri d’oignons qui traverse les États-Unis avec des coupes pompadour ?
C’est aussi une œuvre du voyage, qui a le courage d’aborder le genre apparemment infini du road trip afin d’emporter son monde de la taille d’une voiture à des endroits où il pourra exprimer tout le bien-être d’un cinéma libéré, de bric & de broc mais très humain – de quoi retomber sur l’obsession de Kaurismäki pour le monde des travailleurs, mais sous un regard insouciant qui semble vraiment lui & qui commençait à lui faire défaut. C’est non seulement un monument accompli de l’absurde mais une biographie fictive des Leningrad Cowboys qui est… loin d’être fausse.