Je l'avais vu il y a fort longtemps, en gardais un souvenir légèrement mitigé : foutue jeunesse... Car avec un regard adulte, « Les Affranchis », c'est quand même la classe. Sans être mon Martin Scorsese préféré ou celui m'ayant le plus marqué, la maîtrise du bonhomme est juste impressionnante : mise en scène, narration, immersion totale dans le milieu, personnages parfois saisissants (même si j'avoue avoir trouvé celui de Robert De Niro étonnamment « tiède »), à commencer par l'hallucinant Tommy, interprété par un Joe Pesci tout aussi hallucinant, récompensé à juste titre par un Oscar du meilleur second rôle.
Une fresque, une vraie, avec beaucoup de grandeur dans la forme, nettement moins concernant les « méthodes » utilisées régulièrement par le milieu : Scorsese n'idéalise rien, et même s'il y a une part de fascination dans ce qu'il observe (la réussite, la richesse), il n'est nullement dupe quant à la chute quasi-inexorable qui touchera tôt ou tard chacun des protagonistes. Après, comme souvent chez le cinéaste, j'ai trouvé les dernières minutes un peu longues, comme si ce dernier se perdait un peu dans son propre brio, mais pour le reste, cela reste du très haut niveau, d'un réalisme parfois glaçant (presque tous les personnages ont existé), avec ce qu'il faut de puissance dramatique et de matière cinématographique pour en faire un grand film de genre : un beau cadeau que d'avoir pu redécouvrir ces « Affranchis » dans les salles obscures.