Autant le dire en commençant, avec les "amants du capricorne" , on n'est pas du tout dans le registre du Hitchcock habituel où un suspense d'enfer prend aux tripes et ne nous lâche qu'à la fin.
La seule analogie, c'est qu'on ne comprend rien et que tout se dénoue vers la fin.
"Les amants du capricorne" est, avant tout, un film romanesque.
L'histoire se passe en Australie dans les années 1830 où le peuplement de cette colonie britannique se faisait avec des repris de justice ou d'anciens forçats. Justement un jeune aristocrate irlandais, Charles, arrive pour y faire fortune et fait la connaissance d'un ancien bagnard, Sam, qui a maintenant une belle situation et est devenu riche. Lors d'une soirée, Charles rencontre l'épouse de Sam, Henrietta qu'il a connu lorsqu'ils étaient enfants. Par la suite, Henrietta a fui sa famille (aristocratique) après s'être mariée secrètement avec Sam, le palefrenier. Un mystère épais entoure ce couple maudit qui vit en retrait de la "bonne" société australienne et sous la coupe d'une servante, Milly, qui régente toute la maison. La venue de Charles va permettre de remettre les choses à leur place, dissiper les malentendus et, en quelque sorte, exorciser la malédiction.
Côté casting, le personnage d'Henrietta est joué par une splendide Ingrid Bergman dans un rôle de femme à la fois malheureuse et souffrante mais surtout rongée par un désespoir sans limite.
Ce sera le dernier rôle d'Ingrid Bergman avec Hitchcock.
Le personnage de Sam, c'est Joseph Cotten qui joue un rôle d'homme heureux en affaires mais malheureux en amour. De son état de palefrenier, il ne connait pas forcément les bonnes manières (de la bonne société...) et développe un complexe sans bornes vis-à-vis de sa femme dont il ne se sent pas à la hauteur, malgré sa nouvelle situation. Entre Sam et Henrietta , s'installe depuis de nombreuses années un fossé d'incompréhension, de non-dits voire même de rancœur.
On ne sera pas étonné si j'affirme, haut et fort, un peu par principe aussi, qu'Ingrid Bergman est (naturellement) excellente dans ce film mais, pour équilibrer, je trouve aussi que Joseph Cotten est parfait en homme amoureux de sa femme mais qui ne sait pas quoi faire pour la reconquérir. Ah la belle scène où il tient un beau collier de rubis dans son dos mais comprend, in extremis, que les rubis ne peuvent aller avec la toilette choisie par Henrietta et le remet subrepticement dans sa poche. La faible éducation de Sam n'empêche pas la grandeur d'âme et la générosité.
Le rôle de Charles, qui va servir de détonateur pour dénouer la crise et qui va aider à remettre de l'ordre dans le couple, est assuré par un acteur que je ne connais pas, Michael Wilding.
Le personnage de Milly, jouée par Margaret Leighton, n'est pas sans rappeler le personnage manipulateur et mystificateur de Miss Danvers dans "Rebecca". Son jeu est cependant un peu surjoué, ce qui est un peu dommage.
Par ailleurs, le film bénéficie d'une excellente image et photographie. Les costumes d'époque sont somptueux.
Au final, ce n'est sûrement pas le meilleur film de Hitchcock. Cependant, il nous rend ce couple maudit plutôt sympathique et attachant dont on sent bien qu'il ne faudrait pas grand chose pour dissiper le brouillard et les malentendus afin de les rendre heureux.