Avant toute chose, il faut savoir que le film n'a pas été initié par (ou pour) David Lean. En effet, cette adaptation d'une nouvelle de H.G. Wells a été confiée au départ à Ronald Neame qui, à la suite d'un conflit avec les producteurs, quittera le tournage, laissant à Lean une réécriture. D'ailleurs, il est étrange que, malgré cela, le réalisateur ait choisi un second film d'affilée parlant d'adultère après le formidable Brève rencontre.
Deux amants qui se sont aimés huit ans plus tôt se retrouvent par hasard dans un même hôtel, près du lac d'Annecy. Sauf que la femme, jouée par Anne Todd, a décidé de marier avec un riche industriel, Trevor Howard, bien plus âgé qu'elle, pour la sécurité matérielle, mais sans réel amour, contrairement à celui qu'elle éprouvait pour Claude Rains, dont les sentiments mutuels vont se raviver.
Dans un très beau noir et blanc, David Lean traite à nouveau de l'adultère, mais pas d'une manière aussi forte que Brève rencontre, notamment à cause d'un dernier acte qui sonne comme archi-conventionnel, de sorte que le code moral a dû passer par là. Mais il reste tout de même de belles choses, notamment ce trio d'acteurs formidables, et le sentiment général de pessimisme qui est qu'on peut passer à côté de sa vie par amour et par peur du lendemain. Il y a aussi de découvrir que H.G. Wells, plus spécialisé dans la science-fiction, pouvait écrire de très beaux mélos, mais dont je soupçonne tout de même un soupçon de fantastique. Je pense en particulier à ces deux scènes dans le métro où Anne Todd songe à se jeter sous les rails, et on voit à peine le véhicule arriver, juste une ombre menaçante approcher du quai et qui pourrait l'engloutir. J'ai trouvé cette idée de mise en scène formidable, car cette femme vit à ces moments-là sous une chape de désespoir. Jusqu'à ce que...
Un peu occulté par la renommée de Brève rencontre, sans doute le meilleur film de David Lean pré-Hollywood, Les amants passionnés n'en reste pas moins intéressant, et porté par des acteurs en état de grâce.