L'invasion des profanateurs de Septième Art
Adapté d’un best-seller de Stephenie Meyer, AKA madame Twilight, aussi à la production, le projet partait déjà avec de sérieuses chances de se planter en long, en large et en travers. De plus, en proposant la réalisation à Andrew Niccol, dont la carrière pourrait être représentée par une flèche vertigineuse allant du haut vers le bas, l’auteure à succès fit d’emblée tous les mauvais choix.
Car on attend plus vraiment de sursaut de la part de monsieur Niccol, lui qui après le fort sympathique Bienvenue à Gattaca a enchaîné sur le plutôt moyen Lord of War avant de plonger dans les abîmes du film-concept avec un Time Out nauséabond, cela seulement deux ans avant d’enchaîner sur l’adaptation du bouquin de Meyer. C’est bien simple, le gus semble tout simplement ne plus croire en ses capacités de metteur en scène, et le voilà qui prostitue son talent dans cette énième rom-com pimentée d’un brin de science-fiction.
Le pitch de ces Âmes Vagabondes dévoile néanmoins son ambition de se placer dans la continuité filmique du matriciel L’Invasion des Profanateurs de Sépultures, un immense film de Don Siegel encore trop méconnu du grand public et pourtant déjà remaké pas moins de trois fois (en 1978, en 1993 et en 2007). Source d’inspiration pour un grand nombre d’artistes contemporains, le film de Siegel (adapté d’une nouvelle) est par excellence l’exemple du film de science-fiction aussi oppressant et fascinant que réalisé à moindre coût. Comme Evil Dead bien plus tard et dans un autre registre, il est en quelque sorte un modèle de débrouillardise qui ne fait que confirmer que le talent peut surgir de la moins onéreuse des productions.
Mais Invasion of the Body Snatchers n’est pas que ce modèle fantasmé de film de genre à prix réduit, il est aussi et surtout par excellence le film politique et paranoïaque. Siegel y transcende son concept extraordinaire (pour ne pas être dépossédé de son identité, il faut éviter de s’endormir) en livrant une étude troublante du maccarthysme.
On comprend alors qu’au moment de signer pour Les Âmes Vagabondes, Andrew Niccol pensait peut-être pouvoir inscrire son film dans cette longue série de réadaptations du métrage de Siegel. Néanmoins, et comme dans la saga Twilight, c’est très vite les situations amoureuses les plus farfelues qui reprennent le dessus. Très plat (voire ridicule pour ce qui est des lentilles que portent les humains possédés), le film déplace comme assez régulièrement ces temps-ci la question de la sexualité du côté du protagoniste féminin. L’idée est bien sûr très intéressante, mais le spectateur ne peut s’empêcher ici d’éprouver une certaine gêne devant les troublantes scènes d’amour qui se succèdent. Ainsi, nous ne sommes pas face à un traditionnel trio amoureux, mais bien face à un quatuor puisque l’âme de Mélanie est toujours coincée dans le corps de celle qui a pris possession de son apparence (Gaby). Autrement dit, quand Gaby embrasse un garçon que Mélanie n’aime pas, cette dernière est coincée de l’intérieur et est obligée de subir ce qui s’apparente à un viol de sa personne… Plutôt dérangeant !!!
Les Âmes Vagabondes est une succession de situations tellement dérangeantes qu’elles en deviennent hilarantes et confinent à la parodie. Le film de Niccol et de Meyer ressemble quelque peu à une production télévisuelle tout juste réhaussée par un respectable travail du directeur de la photographie Roberto Schaefer et une interprétation sporadiquement convaincante de la jeune Saoirse Ronan, actrice qui nous avait par ailleurs séduits dans le sublime Lovely Bones de Peter Jackson.
Quoiqu’il en soit, boudé par la presse ET par les spectateurs, Les Âmes Vagabondes, film bien plus désespérant encore que certaines des adaptations de Twilight, n’est pas voué à un grand avenir… Et en tout cas pas à celui qu’imaginait la production en concluant le film sur une ouverture qui ne nous mènera probablement à rien.