C'est tellement beau, tellement délicat. Milos Forman porte un regard magnifique sur cette jeune fille qui vit ses premières aventures amoureuses. Et le plus beau, c'est que le film tout entier est l'illustration d'un récit qu'elle fait à son amie, ouvrière comme elle, la nuit, dans sa chambre, allongée près d'elle sur son lit. Je ne sais pas si j'ai déjà vu quelque chose d'aussi cristallin à ce sujet. Pas niais pour autant (les relations homme/femme sont très clairement dessinées, et le poids des familles, de l'éducation, du regard social, et le poids du travail aussi, et la conscience politique qui vient brimer les sexes) : mais cristallin. La jeune fille découvre qu'elle peut aimer, et elle aime, et elle est un peu déçue, mais pas trahie non plus, pas tout à fait abandonnée, d'ailleurs elle n'abandonne pas, elle continue d'aimer, elle insiste, elle fait le voyage, elle retrouve celui qu'elle aime, elle s'introduit chez lui, elle affronte la réalité de ce qui les lie. C'est très simple, l'argument est minuscule, mais Milos Forman est un metteur en scène extraordinaire et sait faire vivre le moindre des moments. D'ailleurs il n'y a pas de moment moindre que les autres dans Les Amours d'une Blonde. La nuit entre la jeune fille et son amoureux est fabuleuse (le rideau impossible à fermer, le serment du jeune homme répété cent fois : "je n'ai pas de petite amie à Prague"), mais celle où l'alliance roule sous la table est très forte elle aussi.
Et la fin, où les parents du jeune homme discutent du fait que la jeune fille a laissé sa valise chez eux, puis où ils rattrapent la jeune fille et la forcent à discuter avec eux, puis où le jeune homme rentre au petit matin alors que la jeune fille dort sur le canapé du salon, et où ses parents le forcent à dormir avec eux parce qu'il est impossible de les laisser dormir ensemble, et où la jeune fille se lève et observe à travers le trou de la serrure le jeune homme et ses parents dans le lit : ça, c'est un tour de force fou, le film à ce moment là semble voler.
Autre chose encore : le plaisir d'entendre la langue tchèque, avec ses intonations presque chinoises par moments. C'est tellement triste qu'on ne voie pas de films tchèques d'aujourd'hui. Je ne sais pas s'il en existe.