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"Etre rejeté, c'est avoir la tête coupée au ralenti...c'est comme un long non qui s'étale..."

Je ne sais pas trop par quoi commencer tant j'ai aimé ce film, tant il m'a parlé, remuée, bouleversée.


Je dirais en premier lieu que c'est le 4ème film de Dolan que je vois, et que je ne suis jamais déçue : pour moi, ce type a du génie et un sens rare du 7ème art, ses oeuvres sont à chaque fois touchées par la grâce, elles portent à chaque fois une beauté et une créativité folles qui m'emportent totalement. Je ne suis certainement pas assez experte du cinéma mondial pour savoir y lire les références et les clins d'oeil à ses maîtres : toujours est-il que j'adhère totalement à ses propositions, de bout en bout.


Ce film, qui tourne autour d'un triangle amoureux (comme souvent chez Dolan), interroge à la fois la sexualité et l'attachement, les illusions amoureuses et les conséquences d'un rejet, avec un regard très esthétique et singulier, et une voix complètement "générationnelle", qui touchera au cœur tous ceux qui ont débarqué dans ce monde dans les années 90.


J'ai aimé la photographie, toujours sublime chez Dolan, le choix des couleurs, le traitement de la lumière qui magnifique les personnages - et ce trio qui crève l'écran de sa jeunesse, de ses certitudes et de ses fragilités.


Cherry on the cake : la musique est encore une fois absolument magique, alternant entre des pièces classiques (Suite pour violoncelle de Bach) et des oeuvres très actuelles qui sont à chaque fois délicieusement choisies (The Knife pendant la soirée...).


Enfin, et je crois que ce détail a suffi à achever la littéraire que je suis avant tout : la mention du poème "Je t'écris" du québécois Gaston Miron, chef-d'oeuvre de nostalgie et de lyrisme contemporains.


Ô, comme je suis me suis retrouvée dans cette Marie anachronique, rétro, romantique, amoureuse et gauche !


Il y a des larmes pleurées sur des corps nus qu'on voudrait aimer, ceux qu'on voudrait oublier mais que le coeur s'obstine à désirer, des sourires complices, des stratégies idiotes, des confessions émouvantes ou tragiques, et ce fil rouge de la séduction érotique qui imbibe l'ensemble, jusqu'à cette dernière scène où apparaît le magnétique, magnifique Louis Garrel...


J'ai tout aimé, tout.
Xavier, MERCI !!!


Et, juste pour le plaisir, je livre in extenso ce magnifique poème de Gaston Miron (dans le recueil L'homme rapaillé) cité dans le film :


Je t'écris pour te dire que je t'aime
que mon coeur qui voyage tous les jours
— le coeur parti dans la dernière neige
le coeur parti dans les yeux qui passent
le coeur parti dans les ciels d'hypnose —
revient le soir comme une bête atteinte
Qu'es-tu devenue toi comme hier
moi j'ai noir éclaté dans la tête
j'ai froid dans la main
j'ai l'ennui comme un disque rengaine
j'ai peur d'aller seul de disparaître demain
sans ta vague à mon corps
sans ta voix de mousse humide
c'est ma vie que j'ai mal et ton absence
Le temps saigne
quand donc aurai-je de tes nouvelles
je t'écris pour te dire que je t'aime
que tout finira dans tes bras amarré
que je t'attends dans la saison de nous deux
qu'un jour mon coeur s'est perdu dans sa peine
que sans toi il ne reviendra plus
II
Quand nous serons couchés côte à côte
dans la crevasse du temps limoneux
nous reviendrons de nuit parler dans les herbes
au moment que grandit le point d'aube
dans les yeux des bêtes découpées dans la brume
tandis que le printemps liseronne aux fenêtres
Pour ce rendez-vous de notre fin du monde
c'est avec toi que je veux chanter
sur le seuil des mémoires des morts d'aujourd'hui
eux qui respirent pour nous
les espaces oubliés

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le 13 oct. 2015

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