Ayant lu les éloges des Assassins de l'ordre sur Revus & Corrigés (n°8, MondoPolice), et le voyant traîner sur l'application Arte depuis un moment, je me suis décidé à me lancer dans ce film qui m'était alors tout à fait inconnu.
Ce film est une belle grande surprise. Il tient d'abord et avant tout à la prestation de son acteur principal, Jacques Brel, campant ici un juge d'instruction (j'aime énormement les films de juge d'instruction, La French et Le Juge Fayard dit "Le Sheriff" en tête) chargé d'enquêter et d'instruire la mort d'un repris de justice décédé après une garde à vue. Ce juge Level, tenace et appliqué, va devoir se confronter à sa propre vision du monde, à ses convictions et à son abnégation, pour poursuivre son travail.
Dénonçant avec brio le système protégeant les dérives de l'Etat policier post Mai 68 (terriblement d'actualité aujourd'hui, avec les nombreuses affaires qui ont défrayé la chronique, et celle dont on a pas parlé), Les Assassins de l'ordre réfléchit au rôle de chacun pour le progressisme, et les mécanismes conscients et inconscient visant à maintenir les status quo et les privilèges.
Suivant pas à pas l'avancée de l'enquête, et l'avancée de la psyché de ce juge au fur et à mesure que celle-ci avance, Marcel Carné questionne notre propre courage et notre résistance face à la corruption, à l'intimidation et au conformisme. D'abord distant, ce sont les pressions et les mensonges visibles qui vont pousser le juge à s'impliquer personnellement dans cette enquête. Jamais sensationnaliste, le film tient surtout sur les questionnements de son personnage principal et à ses confrontations face aux forces qui résistent encore et toujours à la justice pour la dignité des plus faibles.
Il est cependant traversé de coup de génie d'interprétation, toujours de la part de Jacques Brel, qui est tour à tour froid, effrayant, touchant, et lyrique, surtout, dans cette scène de retour de bar, où bourré, il passe devant le commissariat où s'est passé le crime bientôt impuni, et fait mine de détruire l'ordre établi.
Film profondément révolutionnaire, Les assassins de l'ordre questionne la légitimité de la violence policière face à celle du peuple, et la justice à deux vitesse, entre citoyen et forces de l'ordre. Comme l'énonce Brel dans la dernière scène du film, ce film est un petit pas vers plus d'égalité et de liberté et nous encourage à le faire, pour nous et pour nos semblables.
Mais face à ce film qui a 50 ans cette année, force est de constater qu'il reste un long chemin à parcourir. Sûrement un peu pessimiste, le film avait prophétisé que peu d'entre nous allaient choisir de faire ce pas en avant.