Franchement je m'étonne du funeste destin de ces Aventures de Philibert : capitaine puceau...
Mais vraiment.


Moins de 60 000 entrées en salle, globalement déglingué par la critique et laissant nombre de ses spectateurs dubitatifs, c'est peu dire si la démarche du premier film réalisé par Sylvain Fusée et scénarisé pourtant (entre autres) par le guignolesque Jean-François Halin n'a pas su convaincre. :'-(
À lire les avis à droite et à gauche, un reproche semble revenir en boucle :
Les Aventures de Philibert seraient un pastiche raté...
…Et je vous avoue que cet argument me laisse un peu coi.


Car qu'est-ce qu'un pastiche ?
Un pastiche c'est un emprunt de codes spécifiques dans le but de reconstituer une œuvre ou un univers afin de lui rendre hommage et/ou d'en sourire.
Le pastiche n'est pas une parodie. Le pastiche ne déforme pas pour ridiculiser. Le pastiche restitue avec une certaine forme de tendresse.
Or que sont les Aventures de Philibert si ce n'est justement cela ? ...Avant tout un regard attendri et amusé à l'encontre d'un genre dont elles entendent plus sourire qui ne chercher plutôt à s'en moquer ?
Moi c'est justement cela que j'apprécie dans ce film de Sylvain Fusée : il prend la peine de restituer tous les codes du film de cape et d’épée et de nous en faire sourire.
Des jeux d'acteurs certes justes mais toujours dans l'emphase, des décors fastes mais factices, une esthétique chevaleresque mais une platitude scénique très théâtreuse : c'est là que se trouve tout le charme désuet des films tels ceux tournés avec Gérard Philippe.
Or, sur ce point, je trouve que ce Philibert s'en sort vraiment avec les honneurs.
De l'esthétique cryptogay aux décors en carton-pâte en passant par tous ces moments d'épopée médiocre incapable de décoller, ces Aventures de Philibert passent tout en revue sans jamais s'égarer.


Car c'est justement tout l'intérêt de pasticher un genre comme celui-ci : il n'y a même pas besoin d’être caricaturé pour qu’il nous amène à sourire. Il s'agit juste de restituer pour amuser.
Postures et gestuelles abusives, costumes surfaits, rocher en plâtre placé là fort à propos, combats absurdement répétitifs dans leur chorégraphie : sur ce point Fusée a vraiment l'intelligence de ne pas trop en faire ; d'insister juste ce qu'il faut sans forcer la limite et glissant de temps en temps – ça et là – des notes d'humour absurde dont je suis toujours friand.
Et là où d'ailleurs je trouve que le film tire vraiment son épingle du jeu, c'est qu'il parvient à amalgamer le tout dans un univers cohérent où les artichauts balancés se retrouvent sur les armoiries des décors, où les groins dévorés ornent les tapisseries et où surtout la chanson de geste revient comme un motif musical redondant sans cesse réinstrumentalisé.
Ah ça ! Ces Aventures parviennent parfaitement à éviter le piège classique du cinéma burlesque : la juxtaposition.
Il a su rester un film avant de n'être qu'un gag.


Mais alors dans ce cas, pourquoi un tel bide si le film est si bon ?
Bah déjà parce que, même s'il est globalement bon dans sa démarche, ce Philibert n'en reste pas moins perfectible dans ses détails, mettant notamment du temps à poser tous les éléments qui vont lui permettre d'épaissir son univers et d'enrichir son humour, si bien qu'au départ il peut clairement donner l’impression de n’être qu’un film à sketchs pas très inspirés.
Il faut aussi prendre en compte le fait inévitable que Philibert soit un pastiche et que, si malheureusement il n'a pas été identifié ou appréhendé comme tel, il ne peut conduire qu'a la déception.


C'est sûr que si on espérait une parodie burlesque à la Mel Brooks ou à la « ZAZ » on ne pourra que rester circonspect face au caractère poussif de la parodie et du gag, là où Philibert n'a pourtant jamais cherché à être une parodie ni un film à gag.
Idem, si on attendait de cette comédie qu'elle ait un réel élan épique à la façon d'un Schrek 2, c'est certain qu'on ne pouvait qu'être désappointé par un film qui ne parvient jamais à donner de l'élan et du panache à ses aventures... Ce qui est un peu con quand on prend en considération que c'est justement le fondement même du pastiche de film de cape et d'épée que de retranscrire – pour en sourire – la platitude de l'aventure.
Et puis enfin il y a un dernier point qu'on se saurait ignorer pour comprendre ce bide, c'est que – je pense – le grand public ne connait pas tant que ça les films de cape et d'épée.


Car oui, pour qu'un pastiche fonctionne, encore faut-il qu'une condition sine qua none soit remplie, c'est que le spectateur soit familier des codes pastichés et qu'il exerce à leur égard une certaine forme d'attachement.
Parce que ce n'était pas comme si le pastiche ne pouvait pas trouver son public en France et le succès des OSS 117 le démontre d'ailleurs parfaitement...
...OSS 117 pourtant écrit par le même Jean-François Halin et reposant sur les mêmes principes et les mêmes codes.
Philibert, comme OSS, est un benêt heureux. Il vit dans son propre monde avec ses propres représentations au point d'apparaitre en total décalage avec son entourage. Malgré tout il présente cette singularité qu'au-delà du fait qu'il dispose de toute la bêtise du stéréotype qu'il incarne, il en a également les aptitudes. Aussi, de la même manière que Hubert Bonnisseur de la Bathe sait se montrer habile combattant et doté d'une capacité d'apprentissage hors-pair, Philibert sait manipuler l'épée comme jamais et ne manque aucune opportunité de faire preuve d'esprit chevaleresque, quitte à être berné et incompris en permanence par un monde auquel il n'est pas adapté.
Pour moi, OSS 117 et Les aventures de Philibert ont les mêmes qualités et les mêmes défauts, seulement voilà, les codes du film d'espionnage et du polar beauf sont plus connus et sûrement mieux appréciés que les films de cape et d'épée.
James Bond contre Dr. No fait plus recette aujourd'hui dans la culture populaire que Thierry la Fronde. Le stéréotype du franchouillard colonialiste est plus accessible et parlant que celui de la figure romanesque cryptogay.
Voilà pour moi l'une des raisons fondamentales du succès de l'un et de l'incompréhension suscitée par l'autre.


Étonnamment, le film Philibert connait un peu le même sort que son personnage éponyme : il a agi jusqu'au bout selon ses codes et ses propres représentations mais en le faisant dans l'incompréhension générale et cela en dépit de ses aptitudes réelles.
Et même s'il est vrai que les Aventures de Philibert, capitaine puceau ne sont pas non plus un chef d'œuvre de l'humour – le pastiche restant un jeu d'imitation qui a forcément ses limites en termes de puissance narrative – elles n'en constituent pas moins un vrai bon film frais et généreux, sachant enjailler tout gai compagnon acceptant de le suivre dans sa manière très chevaleresque de mener le pastiche.
A bon entendeur j'espère...
Vous serez gagnants, tout comme ce brave Philibert...

lhomme-grenouille
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le 14 janv. 2023

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