Martin McDonagh creuse depuis "Bons baisers de Bruges" un sillon atypique. Comme un troisième frère Coen, le réalisateur Irlandais se plait à dépeindre des histoires et des personnages singuliers, complexes et loin des tropes habituels. C'est d'ailleurs l'intérêt premier de son cinéma, aux scénarios renonçant à toute moralisation ou structure conventionnelle.
"Les Banshees d'Inisherin" est son film le plus étrange, à l'argument rachitique (sur une île Irlandaise isolée, un homme décide de ne plus être ami avec un autre) et au déroulement qui laisse circonspect. Très peu de péripéties, beaucoup de bizarreries pour au final ne parler que du fragile équilibre de la condition humaine entre instinct grégaire et misanthropie.
Et pour qui connait le monde rural et son isolement, cette dichotomie entre vivre en solitaire tout en se disant que l'enfer c'est les autres apparaitra d'une évidence folle. McDonagh dépeint ainsi une poignée d'êtres insulaires se croisant, se supportant et s'affrontant dans des paysages minéraux où on sent autant les embruns de la lande que l'extrême désespoir qui y souffle aussi fort que le vent.
Porté par une musique mélancolique, le film à presque tout du drame de festival mais avec un montage bien plus dynamique et les nécessaires saillies d'humour noir de son auteur. "Les Banshees d'Inisherin" devient ainsi une drôle d'oeuvre contemplative, tantôt ricaneuse, absurde, cafardeuse ou fataliste.
Comme si Bergman rencontrait les frères Coen dans un étrange mais fascinant métissage.
A l'image de "3 Billboards", le film risque donc de diviser par l'hermétisme des personnages convoqués et son envie de peindre une atmosphère plutôt que de raconter une histoire.
Mais son casting incroyable, la majesté de ses images et son souvenir persistant m'invite à vous dire de tenter ce voyage sensoriel et émotionnel.