Comme dans 3 billboards, McDonagh part d'une situation dont l'un des protagonistes adopte une position radicale et ne veut pas en démordre, quoi qu'il advienne. Sauf qu'ici, la situation de départ est moins tragique : il s'agit simplement d'un gars qui ne supporte plus la vacuité de son meilleur ami, brave gars, mais dont la conversation et l'ambition intellectuelle sont un peu limitées.
Si la critique sociale est bien présente (flic, curé, épicière) et souvent traitée avec un humour mordant, le caractère insulaire de l'intrigue contribue à créer une atmosphère lourde, pesante, notamment en ce qu'il n'offre aucune échappatoire aux personnages, qui, coupés du monde, n'entendent de loin que les rumeurs de la guerre civile qui fait encore rage en Irlande en ce printemps 1923. S'y ajoute comme un air de malédiction, avec les fameuses banshees, ces sorcières des légendes populaires celtiques qui annoncent la mort lorsqu'elles rodent quelque part, en hurlant selon certaines sources. Si le film comporte bien une évidente banshee, pas franchement hurleuse d'ailleurs, il y a sans doute lieu de se demander qui sont les autres puisque son titre comporte un pluriel. Peut-être Siobhan...
Tout ça donne un film à l'ambiance très particulière mais très réussi, avec des scènes parfois cocasses, parfois poignantes que l'absurdité du postulat initial de radicalité démultiplie. Faut-il y voir un éloge de la radicalité, au moins dans ce qu'elle a d'esthétique ? Je ne me hasarderais pas à répondre, mais il est vrai qu'au-delà de cette question oiseuse, l'ensemble est fort plaisant, avec de magnifiques images d'Achill Island, une bande son où se côtoient balades irlandaises, fiddle et voix bulgares, des acteurs à la hauteur, des dialogues percutants et un scénario qui tient en haleine jusqu'à une fin ouverte, comme dans 3 billboards tiens, tiens...