A mi-chemin entre le film judiciaire et la chronique de mœurs, Christian-Jaque signe l'une de ses œuvres les plus sombres et corrosives, au point que "Les bonnes causes" rappelle souvent les travaux d'un André Cayatte.
Bourvil hérite de l'un de ses meilleurs rôles, celui d'un juge consciencieux s'efforçant de rester droit dans ses bottes en dépit des pressions diverses, et des basses manœuvres de la partie adverse. Une sorte de dernier des mohicans, qui vit seul et se dévoue à son métier sans rechercher la gloire ni la fortune.
Face à lui, un Pierre Brasseur des grands soirs, plus cabot que jamais dans sa robe d'avocat cynique à l'éloquence belliqueuse, au service d'une jeune veuve amorale et volage - un joli contre-emploi pour Marina Vlady.
Ces deux-là affûtent leurs flèches contre la pauvre Virna Lisi, jeune infirmière accusée d'avoir empoisonné son employeur, l'époux de Miss Vlady.
Le réalisateur Christian-Jaque ne s'intéresse guère à l'énigme policière, dont il nous dévoile les maigres mystères au bout d'à peine une demi-heure, privilégiant la critique sociale, tout en démontant les rouages de la justice française.
Par conséquent, "Les bonnes causes" se révèle très démonstratif. Plus grave, le récit multiplie les invraisemblances (au niveau des procédures judiciaires, de la psychologie des intervenants...) afin de consolider son argumentaire.
En dépit de ce défaut majeur, le film reste une réussite, à l'image de sa charge sociale percutante, soulignée par les dialogues souvent acerbes d'Henri Jeanson.
Adaptant le roman éponyme de Jean Laborde, Christian-Jaque signe une œuvre ambitieuse, à la fois réflexion implacable sur le système judiciaire et les inégalités sociales, et divertissement ludique s'achevant sur un ultime twist aussi improbable que jubilatoire.