Un peu de musique pour égayer le tout ne fait guère de peine, alors allons y pour Les bonnes manières.
Parler du film c'est presque le trahir mais que voulez-vous je ne résiste jamais à partager une expérience lorsqu'elle apporte davantage qu'une histoire potable. C'est presque trahir disais-je... De toute façon cela importe peu lorsque l'affiche même révèle plus qu'une découverte à l'aveugle ne saurait évidemment le faire. Mais pour les quelques curieux qui auraient l'envie de se laisser surprendre sans plus ample connaissance, allez, sautez à l'intérieur du cinéma le plus proche et appréciez un de ces beaux spécimens d'étrangeté. Pour les autres, restons ensemble encore un peu, voulez-vous, et voyons ce que tout ceci nous réserve.
Au sein d'un Sao Paulo fantasmé avec ces gratte-ciels qu'on croirait peints sur la large toile de l'horizon, vit une femme seule, Ana. À l'autre bout de la ville, là où le Brésil davantage traditionnel n'a pas encore été chassé par les tours d'argent, évolue une autre femme non moins seule, Clara. La première a terriblement besoin d'être accompagnée durant sa grossesse, à la seconde d'intervenir dans cet espace de richesses et d'apparences. Peu à peu, tandis qu'une alchimie s'instaure entre les deux femmes, Clara va découvrir une information significative concernant sa patronne ; en effet, Ana est somnambule...mais pas que. Lorsque vient les nuits de pleine lune, la voilà qui part en transe, à la recherche d'un paquet de viande à déchiqueter...
Ce qu'il y a d'emblée à noter dans Les bonnes manières est sa capacité à, crescendo, nous faire basculer d'une comédie aux allures romantiques vers le film de genre. Autant dire que cela fait plaisir de voir une œuvre s'amuser avec les codes, oscillant de la petite horreur au burlesque en passant par un comique tantôt noir et décalé, tantôt musical. Ce serait faire le difficile que de dire de ce mélange qu'il ne fonctionne pas agréablement. Non, l'ambiance du présent film nous apprend comment la saisir afin que nous puissions en jouir sans réel sentiment d'infamie. La sauce parvient alors à prendre et à nous de nous amuser de scènes toutes sauf conventionnelles.
Quelques éléments viennent pour autant refroidir le spectateur, créant assez d'incohérences pour nous faire croire à un amateurisme d'écriture. Ce serait pourtant oublier qu'il s'agit là d'un conte et plus précisément d'un conte de fées moderne, avec parfois l'empreinte significative d'une réalité toute particulière. À ce sujet, Mme Fosca me faisait très justement la réflexion que La Forme de l'eau n'était pas davantage "réaliste" sur certains points. Soit.
En définitive, nous sommes ici face à une aventure faisant du bien par où elle passe, ne s'encombrant guère de grandes morales (si ce n'est le combat face à la différence, l'animalité en nous et tutti quanti, rien de nouveau sous le soleil), donnant à son visionnage toute la teinte d'un décalage humoristique réussi. On peut tout de même reprocher la longueur du métrage, du fait d'une deuxième partie à l'histoire aux allures de suite moins pertinente que l'original, mais ce serait mettre de côté le principal : vivre un moment sympathique, sans prétention aucune.