Quand j'ai vu que Georges Lautner et Gilles Grangier étaient à la réalisation, je me suis dit "tiens, il y en a un qui s'est fait virer pendant le tournage". Eh bien non, le film comprend trois court-métrages que les deux réalisateurs se sont partagés, servis par de bons scénarios et dialogues d'Albert Simonin et Michel Audiard.
Le film traite de la fameuse loi dite de Marthe Richard et de la fermeture des maisons closes sous une forme humoristique. C'est la lanterne (rouge) qui est le fil conducteur du film puisqu'elle est démontée dans le premier sketch (la fermeture), volée dans le deuxième sketch (le procès) et retrouvée dans le troisième (les bons vivants).
Chacun des sketches est centré sur un acteur accompagné d'excellents seconds rôles:
Blier dans le premier dans un rôle de taulier complètement abattu par la terrible loi faisant de lui un chômeur (enfin, même pas, puisqu'un chef d'entreprise n'a pas droit au chômage)... On saura par la suite qu'il deviendra mareyeur et donc n'a pas abandonné le commerce du poisson ...
Parmi les seconds rôles, on voit Virlogeux en toubib "spécialisé", cigarette au bec, qui ausculte à l'oreille directement (très longuement) une pensionnaire (Mireille Darc) qui tousse un peu ; il y a aussi Franck Villard en tenancier en visite chez Blier aussi grande gueule et "m'as-tu-vu" charmeur que dans "le cave se rebiffe" et Dominique Davray en rôle de taulière (analogue à Madame Mado dans "les tontons flingueurs").
Bref, un monde qui s'écroule et va disparaitre.
Jean Lefebvre dans le deuxième est le cambrioleur minable de la villa cossue où réside une ancienne pensionnaire (Andrea Parizy) du bouic de Blier et qui avait récupéré la lanterne. Parmi les seconds rôles, il y aura Jean Carmet (c'est lui qui dérobe la lanterne) et Darry Cowl en avocat de la défense un peu caricatural mais excellent.
Andrea Parizy a beaucoup tourné pendant cette période notamment "la grande vadrouille", "cent mille dollars au soleil". Ici elle joue le rôle de la baronne Seychelle du Hautpas, née Lucette Brannu ...
Louis de Funès assure dans le troisième sketch. Il assure doublement car il est directeur d'une agence d'assurances et il assure dans son rôle de président d'un club sportif. Célibataire endurci et droit dans ses bottes, il va découvrir lentement mais sûrement que la vie peut avoir du bon, voire même du très bon. Sans finalement trop déroger à ses stricts principes moraux, à ses yeux en tous cas.
Dans ce sketch, c'est la débauche des seconds rôles qui s'en donnent à cœur joie dans un bel élan de solidarité - remarquable - de soutien indéfectible au président du club. Ah si tous les clubs et association pouvaient fonctionner comme ça !
Il y a bien sûr Mireille Darc en servante dévouée (heu, oui, servante, finalement) mais aussi Jean Richard que j'ai rarement vu aussi drôle, Hubert Deschamps en juge magnanime, Albert Remy en flic compréhensif, Juliette Mills en infirmière dévouée et Bernadette Lafont en adjointe à la soubrette Mireille Darc.
Dans ce sketch, on retrouve enfin la lanterne qu'on avait bien cru perdue.
Le ton du film est volontairement très léger sans verser dans le "salace" (situation que redoute Louis de Funès mais qu'on évite car heureusement tout le monde veille) ni d'ailleurs dans la revendication ou la polémique.
Sans rire aux éclats, c'est un film qu'on regarde en souriant souvent, tellement les dialogues sont enlevés et les éléments du décor très pertinents et savoureux.
Peut-être une pointe de nostalgie, je ne sais pas. Une jubilatoire mauvaise foi de la part des cinéastes, ça, sûrement.