La légende arthurienne selon Richard Thorpe en 1953

L'interprétation de la légende arthurienne faite par Richard Thorpe en 1953 s'inspire de l'ouvrage "Le Morte d'Arthur" faite au XVème siècle par Thomas Malory ; cet ouvrage est une compilation et, peut-être, une mise en cohérence de diverses légendes celtiques anciennes récupérées, pillées, revisitées à partir du XIème siècle avec une forte connotation chrétienne remplies de symboles chrétiens comme la "quête du Graal". A l'origine, les légendes celtiques dont il ne reste plus grand-chose décrivaient un monde de magiciens ou de fées qui interféraient dans les affaires des humains et luttaient pour la domination du bien ou du mal.

Thorpe a mis en scène la légende de façon très sage en décrivant une chevalerie classique où les codes d'honneur sont hautement mis en avant. Lancelot va jusqu'à casser son épée qui "l'a si bien servie" parce qu'elle a osé toucher le futur roi Arthur. Et quand un chevalier manigance contre le pouvoir central, il n'en apparaît que plus félon et méprisable. Même dans les relations entre les hommes et les femmes, c'est l'amour courtois qui règne avec de nobles sentiments et, bien entendu, sans geste inconvenant.

Et si Lancelot et Guenièvre tombent amoureux l'un de l'autre, c'est qu'un Destin malveillant a voulu lier la stabilité du royaume à l'amitié entre Arthur et Lancelot qui pourrait être remise en cause à la découverte de cet amour secret et impossible. Ici, on ne se risque pas à aller à l'adultère. D'ailleurs, sur les conseils de Merlin, soucieux du bon fonctionnement du Royaume, la Reine Guenièvre suggérera, elle-même, le départ et le mariage de Lancelot avec une charmante et amoureuse dame de la cour rencontrée fortuitement quelque temps auparavant.

Le film de Richard Thorpe est un film de chevaliers, d'hommes. Mais, curieusement, le pouvoir n'est pas dans leurs mains car ils sont le jouet de l'enchanteur Merlin qui a placé Arthur à la tête du royaume ou des fées dont en particulier Morgane, ennemie de Merlin, qui manipule Mordred et force le destin. Thorpe a fait le choix d'une version soft et a privilégié nettement le film d'aventures épiques.

Le casting est de choix.
Robert Taylor interprète le personnage de Lancelot. Comme souvent, c'est le beau ténébreux qui convient bien au personnage qui est un homme de devoir, absolument fidèle au Roi mais qui lutte intérieurement contre un sentiment amoureux interdit qui l'envahit et qu'il s'efforce de cacher.
Ava Gardner dans le personnage de Guenièvre joue son rôle de femme fatale tout en douceur et en retenue. Ah, ces yeux attentifs et d'une grande douceur. A tomber raide.
Felix Aylmer, vieux routier des personnages de "sages" dans les films, qui jouait dans Ivanhoé, le personnage d'Isaac, père de Rebecca, joue ici le rôle du politique et éminence grise Merlin l'Enchanteur.
Ann Crawford joue la mielleuse et manipulatrice fée Morgane.
Mel Ferrer interprète le Roi Arthur. Là encore, le choix est assez cohérent avec le rôle d'un Roi pas si puissant puisque dépendant d'autrui.

Notons aussi la musique très hollywoodienne de Miklos Rosza.

Le point fort de cette vision de la légende arthurienne est le casting assez extraordinaire. Le regret qu'on peut avoir est la vision trop chrétienne de cette même légende qui s'enracine bien plus profondément dans une culture celte ramenée ici à Merlin l'Enchanteur et à son adversaire la fée Morgane.
"Les Chevaliers de la Table Ronde" reste un magnifique film d'aventures.