Une performance en demi-teinte
Nabil Ayouch avec son dernier film les « Cheveux de Dieu » signe une œuvre bouleversante et sincère mais peut-être un peu trop facile pour celui qu’on voudrait l’ultime représentant d’un cinéma marocain de qualité.
Ce film retrace le parcours de jeunes casablancais du bidonville de Sidi Moumen qui se retrouvent enrôlés par un groupuscule d’islamistes intégristes, afin de perpétrer les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca.
Nabil Ayouch renoue avec ses premiers amours : la rue et la misère (Ali Zaoua). Dans la première partie, il dresse un portrait social d’un Maroc de la misère filmé avec une sincérité bouleversante. Rarement la misère, quelque soit sa provenance, n’aura été filmé avec autant de justesse et de subtilité. Cette charge émotionnelle que nous offre généreusement Ayouch est évidemment ce qu’il sait faire de mieux, en dépeignant avec intelligence la réalité sociale d’un Maroc peu connu.
Seulement, sous couvert de retracer le destin des terroristes casablancais, le réalisateur passe dans la deuxième partie du film à côté de ce que le film propose de plus intéressant. Que l’islamisme radical naît dans la misère, là où les populations sont les plus vulnérables, est un fait connu de tous. Ce que l’on déplore ici est la superficialité du traitement du processus d’enrôlement et de lobotomisation des jeunes casablancais. Certes, le réalisateur s’intéresse à ce processus mais le survole, comme quand un brillant élève bâcle son devoir. C’est d’autant plus décevant qu’on a l’impression que Ayouch fuit la complexité et la profondeur même de son film et fait preuve d’un simplisme assez déconcertant.
C’est là tout le paradoxe du film et le jeu de funambule auquel le réalisateur n’a pas su se prêter. Comment exprimer tant de sincérité sans s’engager et dénoncer ? Car même s’il s’avère parfaitement habile dans le genre de la fiction avec « Ali Zaoua » ou le documentaire sur le conflit israélo-palestinien avec l’excellent « My Land », Nabil Ayouch n’arrive pas à trouver le juste milieu qui aurait fait de ce film un chef d’œuvre. Dans la deuxième partie, on aurait aimé qu’il endosse sa casquette de réalisateur-reporter et dépeigne avec une objectivité de documentariste le processus d’embrigadement. Chose à laquelle il ne parvient malheureusement pas, prenant le sujet de son film trop à cœur.
Pour finir, il convient bien évidemment de se saluer la photographie du film et son casting. Il confirme en effet la règle que les acteurs ne sont bons que s’ils sont bien dirigés. En tant que marocain, on ne cesse de déplorer la qualité de nos acteurs. Ayouch prouve avec « Les Chevaux de Dieu » qu’avec des acteurs amateurs, on est capables d’offrir des performances absolument magiques et d’une sincérité folle.