Ah Erik Satie, Frédéric Chopin et Cie ! C'est toujours à eux qu'on fait appel pour instaurer une atmosphère mélancolique, teintée de morbide, toujours. Mais le problème, c'est que pour instaurer une atmosphère mélancolique, teintée de morbide, ben, ce sont les meilleurs, que voulez-vous faire contre cela.
Oui, Mouret a décidé, comme l'a fait, à de nombreuses reprises, un de ses modèles, Woody Allen, de mettre de côté ses comédies (même s'il faut souligner que l'amertume n'y est que rarement absente !), pour plonger la tête la première dans ce type d'ambiance, dans la gravité des sentiments et la confusion que ces derniers engendrent. Le tout sous le vernis intellectuel de René Girard et de sa théorie du désir mimétique, que le réalisateur-scénariste prend bien le temps d'expliquer pour ne pas perdre le spectateur, souvent par l'intermédiaire des interviews de l'intéressé lui-même.
La chose fait un peu plus de deux heures, mais il faut bien reconnaître que cet enchevêtrement d'histoires d'amours plus ou moins malheureuses, plus ou moins compliquées (plutôt "plus" que "moins" !) avec des flashbacks, chacun d'entre eux raconté par un personnage, même s'il se base principalement sur le verbe des échanges (pas la plus captivante des choses habituellement, on ne va pas se mentir, mais le verbe mouretien assure encore une fois !), tient sans mal la durée. Le scénario parvient sans cesse à se renouveler. Quelquefois, je me suis douté au fond de moi de quelque chose pour certains rebondissements sentimentaux, finissant par arriver, mais d'une manière encore plus forte que ce à quoi je m'attendais.
J'ai eu peur, je l'avoue, d'une banalisation de l'adultère, avec untel qui couche avec celle-là, etc. Autant dans une comédie, je peux l'accepter, car la légèreté d'un monde, où la cruelle réalité psychologique a moins de prise, fait passer beaucoup mieux la pilule, autant dans un drame, j'aurais eu du mal. Or, ce n'est pas le cas du tout. Dans cette optique, on atteint même un sommet bouleversant avec les personnages joués magistralement par Vincent Macaigne et Emilie Dequenne (les meilleurs et d'assez loin, selon mon humble avis, de toute la distribution !). Au fond de moi, je le sentais venir, mais la puissance de ce qui est révélé et l'interprétation de ses deux comédiens m'ont quand même laissé assommé d'émotion.
C'est avec les yeux embués, la bouche qui s'ouvre, mais qui se ferme sans parvenir en sortir un mot, l'esprit remué par ce qu'il vient de voir, la musique obsédante de Satie en tête, que le spectateur que je suis quitte le tout.